Publié le Samedi 23 avril 2022 à 12h00.

Près de 20 % des enfants ont un travail rémunéré au Brésil

Une étude conjointe de l’universitaire brésilien Guilherme Lichand, qui travaille à l’Université de Zurich (Suisse), et de sa collègue Sharon Wolf, de l’Université de Pennsylvanie (États-Unis), a mesuré la sous-déclaration du travail des enfants au Brésil et a conclu que le nombre réel d’enfants âgés de 7 à 14 ans travaillant dans le pays est sept fois plus élevé que ce que montrent les statistiques officielles.

Les données officielles les plus récentes des World Development Indicators (WDI), une base de données de statistiques internationales compilée par la Banque mondiale, ont montré que, en 2015, 2,5 % des enfants brésiliens de cette tranche d’âge travaillaient, soit l’équivalent de 738 600 personnes. Mais l’étude de Lichand et S. Wolf a conclu que le pourcentage réel était de 19,15 %, soit environ 5 650 000 enfants, selon des recherches rapportées par le quotidien Folha de São Paulo (13 avril 2022).

Lutter contre les biais des études

Les chiffres officiels de l’Organisation internationale du travail (OIT) sont basés sur des enquêtes menées dans plusieurs pays. « Ces enquêtes suivent généralement une méthodologie selon laquelle on demande d’abord aux adultes si leurs enfants travaillent. S’ils mentent, par peur d’être punis, par gêne ou pour toute autre raison, les statistiques finales montrent un nombre plus faible », explique Guilherme Lichand.

Les paramètres utilisés par les chercheurEs pour définir le travail des enfants suivent les définitions des agences internationales, telles que l’Unicef, et ont été élaborés avec des enfants à l’école.

« Si l’enfant a moins de 12 ans, quel que soit le nombre d’heures travaillées, et qu’il reçoit une rémunération quelconque pour cela, c’est déjà considéré comme du travail des enfants. Si l’enfant a entre 12 et 14 ans, le travail est défini comme tel s’il est de 14 heures par semaine ou plus, pour autant qu’il ne s’agisse pas de métiers dangereux. À partir de l’âge de 15 ans, il est qualifié comme tel pour une durée de 41 heures », explique Sharon Wolf.

L’étude révèle que lorsqu’on demande directement aux enfants s’ils effectuent un travail rémunéré, la réponse tend à être beaucoup plus élevée que lorsqu’on pose la même question à des adultes responsables.

À partir des données recueillies par la Banque mondiale dans 97 pays, les chercheurEs ont pu établir une relation entre les déclarations des parents et ce qui correspond le mieux à la réalité. Le modèle prend en compte des éléments tels que le pourcentage d’enfants engagés dans des activités à risque dans chaque pays et le nombre d’heures travaillées.

Pour Bolsonaro, il est bon que les enfants travaillent

Dans le cas du Brésil, qui est l’un des rares pays de l’étude faite par la Banque mondiale (WDI) où une recherche pose la question aux enfants, il a été possible de comparer les résultats obtenus par la base de données de la Banque mondiale avec ceux de l’enquête nationale.

Dans l’enquête officielle brésilienne de 2019, 15 % des enfants de 10 et 11 ans ont déclaré avoir travaillé au moins une heure par semaine. Si l’on tient compte des enfants non scolarisés, ce pourcentage peut atteindre 19 %.

« Il ne s’agit pas d’aider occasionnellement les parents dans les tâches ménagères, il s’agit de travail rémunéré des enfants. Lorsque le président Jair Bolsonaro, par exemple, dit qu’il est bon que les enfants travaillent, de quel type de travail parle-t-il ? Il n’est pas clair dans sa définition, et cela empêche le débat », explique la chercheuse.

Le secteur du cacao a été choisi au Brésil pour réunir des données car il a historiquement connu une forte présence du travail des enfants. L’organisation Papel Social a été contractée en 2018 par l’OIT pour enquêter sur l’activité dans certaines zones de l’intérieur du Brésil.

« Environ 7 000 enfants et adolescents travaillent dans la chaîne du cacao, principalement dans les États de Bahia et de Pará. Le phénomène est le même dans l’huile de palme, le tabac et le gypse », déclare le directeur exécutif de Papel Social, Marques Casara.

Article publié dans La Diaria (Uruguay)