Publié le Mardi 16 septembre 2025 à 18h02.

Quand les dictatures africaines tendent la main à Trump

L’objectif des États-Unis est d’imposer aux pays africains l’accueil des personnes expulsées. Certains despotes ont déjà accepté.

Le Soudan du Sud, l’Eswatini, le Rwanda et dernièrement l’Ouganda, outre d’être des dictatures, ont un autre point en commun : la signature d’un accord avec les États-Unis en ce sens, qui s’inscrit dans la politique de harcèlement des immigréEs de Trump.

« Pressions considérables »

La Cour suprême des États-Unis, où les juges conservateurs sont majoritaires, a validé les mesures d’expulsion massive au mépris des conventions internationales que les États-Unis ont pourtant ratifiées : celle de 1984 qui interdit la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, tout comme la convention de 1951 et son protocole de 1967 qui proscrivent le renvoi des réfugiéEs vers des pays qui ne respectent pas les droits humains.

Les premierEs expulséEs en Eswatini ont déjà vu leurs droits bafoués. Le Centre de contentieux de l’Afrique australe a ainsi lancé une requête parce que cette monarchie absolue avait refusé qu’ils puissent accéder à leur avocatE.

L’objectif de l’administration Trump est de passer des accords pour l’accueil des personnes bannies avec 58 pays, dont 31 en Afrique. Yusuf Maitama Tuggar, ministre des Affaires étrangères du Nigeria, confirme que des pressions considérables ont été exercées à l’encontre de son pays, qui a tout de même maintenu son refus.

Une aubaine pour les dictateurs

Les conventions restent secrètes. Cependant, certaines ont fuité et ne sont guère rassurantes. Au Soudan du Sud, gangrené par des milices armées, le président Salva Kiir, partie prenante d’une guerre civile qui a déjà causé la mort de dizaines de milliers de personnes, a fait part de ses exigences lors des négociations : la levée des sanctions contre un des trois hauts responsables du régime, l’annulation de l’interdiction des visas, le déblocage d’un compte bancaire basé aux États-Unis et le soutien aux poursuites judiciaires contre son principal opposant, le premier vice-président Riek Machar, toujours assigné à résidence.

Quant au Rwanda, où les tortures sont fréquentes dans les prisons, le président Paul Kagamé se veut un allié privilégié du camp occidental. Cela lui permet de se faire élire régulièrement avec des scores de 98 % et de poursuivre ses offensives contre le Congo voisin sans crainte de mesures de rétorsion.

Pour le président ougandais, dans un pays où l’homosexualité peut être passible de la peine de mort, signer l’accord avec les États-Unis est une assurance : la certitude que l’administration états-unienne ne sera pas trop regardante sur la répression qui entoure l’élection présidentielle, laquelle entérinera un septième mandat.

Qu’il s’agisse de l’Union européenne, qui utilise des pays africains pour externaliser ses frontières, ou des États-Unis, qui tentent de leur imposer l’accueil « des personnes parmi les plus méprisables » selon la formule du secrétaire d’État Marco Rubio, les deux s’accommodent parfaitement des régimes despotiques africains, au détriment des peuples.

Paul Martial