Dans un rapport publié il y a une dizaine de jours, Amnesty International dénonce, enquête à l’appui, la politique honteuse de l’Union européenne de collaboration avec la Libye dans la gestion des questions migratoires. Extraits :
Depuis la fin de l’année 2020, la DCIM, qui relève du ministère de l’Intérieur libyen, a légitimé les violations commises dans les centres de détention. Elle a en effet officialisé deux centres de détention à Tripoli, à l’origine gérés par des milices (Al Mabani et Sahara Al Zawiya). Dans ces derniers, des centaines de réfugiés et de migrants ont été soumis à des disparitions forcées. Des survivantes ont raconté que, dans l’un de ces centres, les gardiens violaient les femmes en échange de nourriture ou de leur libération.
Malgré ces violations des droits humains avérées, la complicité des États européens persiste. Les pays concernés continuent d’aider les gardes-côtes libyens à intercepter des personnes en mer et à les renvoyer de force dans l’enfer libyen. Alors qu’ils ont parfaitement connaissance des horreurs que ces personnes vont subir.
Au cours des six premiers mois de 2021, plus de 7 000 personnes interceptées en mer ont été envoyées de force à Al Mabani.
Des détenus de ce centre ont raconté avoir été soumis à la torture et à d’autres mauvais traitement. Certains ont également indiqué avoir subi des fouilles à nu particulièrement invasives, humiliantes et violentes.
Le centre de Sahara Al Zawiya à Tripoli a été affecté à l’accueil des personnes en situation de vulnérabilité. Trois femmes ont raconté que deux bébés, détenus avec leurs mères, étaient morts début 2021. Les gardiens avaient refusé de les emmener à l’hôpital alors qu’ils avaient besoin de soins essentiels. […]
Entre janvier et juin 2021, les gardes-côtes libyens, soutenus par l’Union européenne (UE), ont intercepté en mer et reconduit en Libye quelque 15 000 personnes – soit plus que sur toute l’année 2020 – durant des opérations dites de « sauvetage ».
Les témoignages font état d’un comportement négligent et violent des gardes-côtes libyens. Certaines personnes ont raconté que ceux-ci avaient délibérément endommagé leurs embarcations, les faisant parfois chavirer. À deux reprises, des réfugiés et des migrants se sont noyés à cause de tels comportements. Un témoin a déclaré que les gardes-côtes avaient filmé la scène de naufrage avec leurs téléphones au lieu de porter secours aux survivants.
Des témoignages mentionnent des avions qui survolent la Méditerranée ou des bateaux naviguant à proximité des embarcations sans leur offrir aucune assistance avant l’arrivée des gardes-côtes libyens.
Frontex, l’agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes, exerce une surveillance aérienne au-dessus de la Méditerranée pour repérer les embarcations de réfugiés et de migrants en mer, et utilise aussi un drone dans cette zone depuis mai 2021. Les navires européens ont largement déserté la Méditerranée centrale pour éviter d’avoir à secourir des bateaux en détresse.