La mort d’Yvan Colonna vient, au-delà de sa famille, d’endeuiller tout le mouvement nationaliste corse, dans toutes ses composantes.
Le meurtre du préfet de Corse Claude Érignac en février 1998 avait déclenché une vengeance d’État sans précédent dans l’île. La Division nationale antiterroriste avec Roger Marion suivra d’abord une « piste agricole ». Plus de 2 000 interpellations auront lieu, avec des interrogatoires, des transferts à Paris, des mois de détentions préventives, 40 mises en examen, le tout classé par un non-lieu général en 2016. C’est un climat d’inquisition, de terreur policière, de criminalisation générale du mouvement nationaliste qui se développera dans l’île à l’instigation de Roger Marion et de Bernard Bonnet, nommé préfet au lendemain du meurtre d’Érignac.
Aucune preuve contre Colonna
En mai 1999, huit personnes sont arrêtées, dont sept reconnaissant, en détention, avoir participé à l’organisation d’un commando, et en accusent une autre, Yvan Colonna, militant connu de A Cuncolta Naziunalista, d’être le meurtrier. Yvan Colonna clame son innocence et prend le maquis. En juin 2003, une Cour d’Assise spéciale condamne les membres du commando, avec la réclusion à perpétuité pour deux d’entre eux, ayant directement participé au meurtre, Ferrandi et Alessandri. Tous les condamnés auront reconnu leur participation mais, durant ce procès, ils seront tous revenus sur leurs déclarations en détention et auront totalement disculpé Yvan Colonna d’être le meurtrier du préfet.
Yvan Colonna est finalement arrêté en juillet 2003. Il passe en procès une première fois. Bien qu’il soit innocenté par la seule témoin visuelle du meurtre qui ne le reconnait pas, il est condamné à la réclusion à perpétuité. Lors d’un deuxième procès en appel, le rapport balistique innocentera aussi Yvan Colonna, mais il sera condamné à la perpétuité avec une peine de 22 ans incompressible. Après annulation de ce verdict par la Cour de Cassation, en 2011 se tient son dernier procès en Cour d’Assises. Yvan Colonna sera finalement condamné à la réclusion à perpétuité sans peine de sûreté. Tout au long de ces procès, l’accusation n’aura pu amener aucune autre preuve que les premières dénonciations, sur lesquelles seront revenus tous les membres du commando.
Des prisonniers libérables
Depuis près de 20 ans, Colonna était devenu le symbole de la résistance du peuple corse face à la justice et à la police coloniale française. L’État français, convaincu que le meurtre d’Érignac allait signer la marginalisation et la disparition du mouvement nationaliste, se sera trouvé, au contraire, confronté à des coalitions électorales nationalistes devenues progressivement première force politique électorale dans l’île, majoritaire à la collectivité territoriale depuis 2015. Pendant la même période, les gouvernements successifs auront maintenu la classification d’Alessandri, Ferrandi et Colonna comme « détenus particulièrement signalés » (DPS) pour justifier leur incarcération hors de Corse, loin de leur famille. Les trois condamnés, « primo-délinquants », étaient pourtant libérables depuis 2017 pour les deux premiers, depuis 2021 pour Yvan Colonna, le temps d’épreuve étant de 18 ans. Mais toute demande de libération, de semi-liberté, de levée du statut de DPS et donc de rapprochement a été systématiquement refusée chaque année depuis 2003, et cela encore une fois en février dernier. Le statut de DPS n’aura pas empêché que dans la Centrale d’Arles, Yvan Colonna puisse être attaqué et étouffé par un autre détenu connu pour sa dangerosité, sans intervention pendant huit minutes.