Deux jours à peine après les élections européennes, l’UMP s’enfonce un peu plus dans le scandale Bygmalion, et le délitement de sa direction politique. La démission précipitée de Jean-François Copé, son remplacement provisoire par un triumvirat de crise, les déclarations tous azimuts de ses responsables incapables de sauver un semblant de cohésion interne, enfoncent un peu plus tout le système de la représentation politique dans un discrédit général. Ce ne peut que bénéficier à un Front national désormais consacré par les médias « premier parti de France ».
Chronique d’une victoire annoncée... Il n’y a guère que ceux qui n’avaient pas ouvert un journal ni regardé un journal télévisé depuis plusieurs semaines pour s’étonner de la victoire du F-Haine à l’élection européenne. Tous les sondages, à de rares exceptions près, annonçaient cette catastrophe pour notre camp social...
Le FN ne se sent plusLe seul suspense résidait sur la capacité de l’UMP, parti puissant, implanté nationalement, à résister à un FN encore en construction, ramant notamment pour trouver des équipes militantes pour les élections municipales. Dès lors, la seule surprise réside dans l’écart creusé par l’extrême droite, avec le recul de l’UMP et l’effondrement d’un Parti socialiste contrôlant pourtant l’appareil d’État. Certes, ce scrutin a été largement boudé par la majeure partie d’un corps électoral déçu – c’est un euphémisme – par la politique d’austérité à marche forcée et ânonnée jusqu’à plus soif par les gouvernements Ayrault et Valls, mais, avec un quart des suffrages exprimés, soit quatre fois de plus qu’à la précédente élection de 2009, le Front national se sent pousser des ailes. Il peut continuer de plus belle à invoquer sa légitimité, et le « traitement injuste » auquel le soumet le système de représentation non proportionnel à l’Assemblée nationale. C’est d’ailleurs la dissolution de cette dernière à laquelle ont appelé Jean-Marie et Marine Le Pen dès dimanche soir. Avec un aplomb dont elle a le secret, Marine Le Pen s’en est également pris aux médias supposés pratiquer un ostracisme envers son parti. Un comble lorsqu’on voit l’empressement de certaines chaînes, telles BFM Télé, à nous infliger son omniprésence sur les plateaux ces derniers mois... La montée des nationalismes, des idées racistes xénophobes et homophobes, exonèrent même aujourd’hui la future candidate à la présidence de la République à poursuivre sa politique de communication pour donner une image respectable à son parti. Ainsi, lors de son dernier meeting électoral à Marseille, Jean-Marie Le Pen a pu ainsi en toute impunité déclarer que pour enrayer l’accroissement démographique de certains pays d’Afrique, « Monseigneur Ebola pourrait régler ça en trois mois »...
L’UMP à la croisée des cheminsLa responsabilité de la banalisation des discours racistes tenus par les responsables d’extrême droite est collective à l’ensemble des partis institutionnels. Partageant les mêmes discours sécuritaires, les mêmes boucs émissaires (les Roms les immigrés, avec ou sans papiers) comme supposés responsables de tous les maux, ils ont contribué à donner une légitimité d’expression aux pires fascistes. La véritable crise de régime ouverte par l’effondrement des partis institutionnels ne fait que commencer. En ce qui la concerne, l’UMP est à la croisée des chemins : soit restaurer un semblant d’autorité autour d’un nouveau chef, soit laisser ses cadres dériver vers le centre... ou se recaser dans un FN en quête de transfuges. Entre eurosceptiques, souverainistes affirmés et un manque général de ligne politique européenne, l’exercice s’annonce difficile à droite... aggravé par l’incertitude d’un retour de Sarkozy totalement éclaboussé par plusieurs affaires et scandales, dont Bygmalion pourrait être le point d’orgue. Les anticapitalistes ont une lourde responsabilité à hâter la construction d’un front unique contre l’extrême droite et ses projets de recomposition. Comme le disait le révolutionnaire italien Gramsci, « l’ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour, dans ce clair obscur surgissent les monstres »...
Alain Pojolat