Le PS a remporté la majorité absolue à l’issue du second tour des législatives. Il concentre en apparence tous les pouvoirs, mais il les met au service d’une politique d’austérité.La page est donc tournée. À l’issue du second tour des législatives, François Hollande a la majorité qu’il souhaitait, absolue, sans même avoir besoin des autres forces qui se situent dans la majorité présidentielle, EÉLV et le Front de Gauche. Le mode de scrutin majoritaire à deux tours a profité au PS du fait des rivalités entre l’UMP et le FN. La vague rose parlementaire ne répond pas en effet à une mobilisation populaire. Elle est sérieusement atténuée par l’abstention record – plus de 44 % –, en particulier dans les quartiers et les cités populaires, et parmi les jeunes. Dans le monde du travail, un attentisme sans illusion, désabusé, domine.Le piège des pleins pouvoirs…Jamais dans l’histoire de la ve République un parti n’aura concentré autant de pouvoirs entre ses mains. Mais, paradoxe d’institutions antidémocratiques, sa base populaire, son assise est faible. Le PS a les pleins pouvoirs mais, dès maintenant, il est confronté à un profond mécontentement qui n’a pas trouvé les moyens de s’exprimer politiquement. La droite connaît une sévère défaite mais garde de solides positions. Elle est engagée dans une bataille avec l’extrême droite renforcée par la campagne démagogique de Sarkozy, une bataille pour la formation d’un grand parti de droite populiste. La logique même du scrutin majoritaire contraint les forces réactionnaires à chercher une réponse à leur division qui a fait la force du PS. L’introduction annoncée d’une dose de proportionnelle pourrait permettre au PS de préparer les prochaines échéances électorales mais, d’ici là, il devra affronter la crise, l’épreuve du pouvoir avec en face de lui une opposition de droite et d’extrême droite qui rivaliseront de démagogie. Alors que la force du PS pourrait laisser imaginer une stabilisation politique, la réalité risque d’être tout autre de par les effets de la crise face auxquels le futur gouvernement n’aura d’autre politique que de s’adapter aux rapports de forces dominants, aux intérêts des groupes financiers et industriels. Dès maintenant il est emporté dans la tourmente de la crise de l’Europe capitaliste.Hollande et MerkozyLes 28 et 29 juin aura lieu le sommet des chefs d’État européens. Au cœur des discussions, la ratification du traité budgétaire concocté par Merkel et Sarkozy pour imposer à tous les peuples d’Europe la règle d’or de l’austérité. François Hollande tente de parler de sa propre voix vis-à-vis du pacte de Merkozy. Dans son « Pacte pour la croissance en Europe », il défend une politique de croissance, une taxe sur les transactions financières, le retour de la stabilité financière et le renforcement de l’Union économique et monétaire. Il propose d’injecter dès cet été 120 milliards dans l’économie. Sans doute, les chefs d’État parviendront-ils à un compromis, qui de toute façon sera payé par les peuples. Quelles que soient les modalités sur lesquelles ils se mettront d’accord pour sauver les banques et tenter de relancer l’économie, leur politique restera dans le cadre de la concurrence, de la rentabilité financière, du retour aux équilibres budgétaires par l’austérité en imposant de nouveaux sacrifices aux travailleurs et aux peuples.Rassembler contre l’austéritéUne telle politique incapable d’apporter une solution à la crise aggravera les tensions sociales et politiques. Le rejet de Sarkozy et de sa politique entièrement soumise aux intérêts des riches, des possédants, des financiers, a pleinement profité à la gauche libérale du fait de la démoralisation après la défaite sur les retraites et à l’absence d’autres perspectives crédibles. La dynamique qui s’était enclenchée à la faveur de la campagne du Front de Gauche a marqué le pas au moment des législatives du fait des contradictions et ambiguïtés d’un mouvement qui n’a pas su ni voulu choisir entre une politique d’indépendance vis-à-vis du PS et son soutien à la nouvelle majorité. Mais le mécontentement est bien là et l’heure est au rassemblement de toutes les forces, de toutes celles et tous ceux qui refusent l’austérité en une opposition de gauche au gouvernement.
Les élections législatives qui avaient lieu en Grèce, elles aussi, dimanche dernier apportent la démonstration que face au camp des partis qui veulent imposer l’austérité et les exigences de la Troïka, il n’y a pas d’autre issue que de construire le rassemblement des forces qui refusent ces diktats pour mettre en place un gouvernement s’appuyant sur les mobilisations populaires pour annuler la dette, refuser l’austérité, remettre en cause la dictature de la finance.
Ici, comme en Grèce, il n’y a pas d’autre politique pour les travailleurEs et les classes populaires.
Yvan Lemaitre