Nous avons vécu ces derniers mois un mouvement social exceptionnel par sa durée, son ampleur et sa détermination. Il laissera des traces profondes dans la conscience que cette société est structurée par la lutte des classes, par un affrontement avec le pouvoir politique macroniste.
Il faut dire qu’au cours des batailles précédentes, nous avions accumulé un certain nombre d’expériences que nous avons tenté de combiner pour gagner. L’intersyndicale très large a tenu jusqu’au bout, permettant d’agréger dans les manifestations un nombre toujours très important de participantEs au fil des mois. Les actions, les blocages et les défilés se sont multipliés jusque dans des toutes petites villes qui n’en avaient pas connu depuis longtemps. La grève a été importante dans l’énergie, les transports, plus que d’habitude dans le privé, même si cela est resté trop faible…
Des difficultés importantes
Malgré tout cela, nous n’avons pas fait reculer le gouvernement sur la réforme des retraites. Les grèves étaient trop faibles pour réellement bloquer le pays. La jeunesse est entrée tardivement et insuffisamment dans le mouvement. L’auto-
organisation était trop faible pour impulser une accélération des rythmes de mobilisation. Ces trois éléments principaux sont liés à la destruction des collectifs de travail et de lutte au cours des dernières décennies. Précarisation massive, juxtaposition de contrats différents dans le même lieu de travail comme à La Poste ou à la SNCF, recours à la sous-traitance, télétravail, etc. Le patronat, aidé des gouvernements successifs, a organisé cette déstructuration de manière efficace et déterminée, avec une nette accélération permise par la crise du Covid. En parallèle de ces attaques sociales, le pouvoir s’est doté de tout un arsenal répressif et législatif qui lui permet toutes les intimidations et les violences : arrestations de syndicalistes, réquisitions, matraquages, gardes à vue, violences policières…
Le mouvement marque un tournant
D’abord parce qu’il a montré une politisation rapide et massive, en passant de la revendication de « retrait de la réforme des retraites » à « Macron démission ». D’une certaine façon, cette politisation, cette volonté d’un affrontement direct avec le pouvoir se sont matérialisées en marge du mouvement lors de la « bataille » contre les mégabassines à Sainte-Soline. Le gouvernement lui-même ne s’y est pas trompé : il a déployé des moyens militaires à la hauteur de l’enjeu symbolique et politique. D’autre part, alors que le mouvement s’effiloche à l’approche de l’été, ce n’est pas la déprime qui semble dominer, mais au contraire une certaine détermination à revenir, plus fortEs et plus organiséEs pour faire plier le pouvoir. Les actions deviennent plus minoritaires mais conservent le soutien populaire, il n’y a pas de marginalisation des plus militantEs, plutôt une sorte de repli stratégique…
Et maintenant ?
La première chose à faire est de reconstruire nos outils militants mis à mal par la succession des défaites, au premier rang desquels les organisations syndicales. Il y a déjà un afflux significatif de nouvelles adhésions, il faut maintenant les pérenniser et les transformer en militantEs. Il y a des restructurations profondes à prévoir pour intégrer les aspirations de ces nouvelles générations militantes, notamment en termes de démocratie à la base ou de lutte contre les violences sexistes. Ce ne sera pas facile, mais c’est indispensable. Il faudra reprendre le chemin du collectif, de la formation politique, de la structuration au plus près des lieux d’existence pour reconstruire une conscience commune, une conscience permettant de restructurer notre classe sociale. En parallèle, l’affrontement permanent avec l’État et ses représentantEs semble à l’ordre du jour.
Organiser l’affrontement avec le pouvoir des capitalistes
C’est par la combinaison de l’expérience de luttes, de leur convergence, de l’affrontement avec le pouvoir, que nous ancrerons cette conscience dans la réalité de la lutte des classes. Il n’y aura pas de raccourci pour la révolution, mais un chemin dont les détours sont parfois difficiles à saisir et qui peut connaître des accélérations brutales. Aujourd’hui, une conscience existe d’un affrontement nécessaire entre les classes populaires et la classe dominante, le capitalisme. Nous avons la responsabilité de contribuer à encourager ce combat, qui peut se prolonger dans les prochains mois.
Les enjeux sont essentiels car ceux et celles qui ont le pouvoir ne nous feront pas de cadeaux pour mener à bien leur politique destructrice et mortifère. Si le mouvement social a mis un temps un couvercle sur l’extrême droite, on voit bien qu’elle reste en embuscade et que tous les outils pour son avènement sont prêts. En cas d’accélération de la lutte des classes, l’État autoritaire déjà en place n’aurait pas beaucoup d’efforts à faire pour se muer en État fasciste.
Ces derniers mois ont donné à voir toutes les potentialités de la période en termes de reconstruction de notre camp social, mais aussi tous les dangers qui sont bien présents. Nous ne pouvons qu’essayer d’agir au mieux pour un dénouement qui ne peut être qu’une rupture profonde avec la société capitaliste, pour mettre à l’ordre du jour une révolution écosocialiste ! C’est dans ce sens que le NPA travaille à des forums anticapitalistes permettant de regrouper différentes forces pour travailler à la construction d’un parti pour les exploitéEs et les oppriméEs.