Après l’élection de François Hollande, le troisième tour social commence. Il s’agit dans un premier temps de faire barrage à l’UMP et au FN lors des législatives, et dans le même temps d’organiser l’opposition de gauche au PS.Mardi, pour les cérémonies du 8 Mai, le futur président et l’ancien ont tenu à se retrouver côte à côte. Ils ont ainsi de façon symbolique manifesté « la continuité des institutions » selon les mots de Fillon, la continuité de l’État. Il était, pour François Hollande, « utile et précieux pour le pays de savoir qu’il était rassemblé à travers le président encore en exercice et le nouveau », sur « un même enjeu, celui de la patrie retrouvée ». Et Pierre Moscovici d’ajouter : « C’est une image de la démocratie française, de l’alternance réalisée, qui est bonne. C’est mieux qu’en 1981. Reconnaissons-le » !
La gauche libérale, à son tour sans doute décomplexée, satisfaite d’elle-même, affiche son bonheur à assumer l’alternance tranquille. Elle nous a joué le même scénario le soir du 6 mai en écho aux propos du président des riches. Chacun s’est alors répandu en respect réciproque et républicain, chacune et chacun des lieutenantEs reprenant le même méli-mélo... sauf que l’alternance risque d’être un peu moins tranquille pour François Hollande. Il a été porté par le rejet de Sarkozy, élu grâce à l’apport des voix de Bayrou et les calculs de Marine Le Pen alors que la gauche est loin d’être majoritaire. Même à la Bastille, où Hollande est arrivé bien tard, la joie était celle d’avoir viré Sarkozy, d’avoir gagné mais sans illusion sur celui dont le principal talent a été de surfer sur le rejet du président des riches, en ne s’engageant quasiment sur rien vis-à-vis du monde du travail.
Le départ de Sarkozy et de sa bande tourne une page mais la suite ne sera pas rose. La crise continue, s’aggrave. Ses responsables tiennent toujours les rênes du pouvoir économique et financier, les médias, et peuvent compter sur la continuité de l’État et de sa politique à leur égard. Un des rares engagements pris par Hollande est d’honorer la dette et de lutter contre les déficits !Non à l’Europe de l’austérité !Le premier rendez-vous important qui attend Hollande vient d’être fixé au 23 mai pour une réunion extraordinaire des chefs d’État européens qu’a annoncée le président de l’Union européenne, Herman Van Rompuy. Réunion dans l’urgence face à la dégradation de la situation en Espagne, au puissant mouvement contre l’austérité qui s’y développe et devant l’avertissement qu’a donné le peuple grec, dimanche dernier, dans les urnes, à la Troïka.
L’effondrement de l’Europe n’est pas une menace ou un slogan mais bien une échéance probable à court terme si Merkel et Hollande n’infléchissent pas un tant soit peu la politique de l’Allemagne et de la France. Mais l’affaire semble bien mal partie. Pour Merkel, « il n’est pas possible de renégocier le pacte budgétaire », déjà signé par 25 des 27 États membres. Pas question de revenir sur la règle d’or de l’austérité dont tous savent qu’elle débouche sur la récession.
La réponse à la crise ne peut venir d’en haut, elle ne peut venir que d’en bas, de la révolte des travailleurs et des peuples, de leur unité au niveau national mais aussi de la convergence de leur luttes au niveau européen, pour exiger et imposer le moratoire sur la dette, son annulation.Faire barrage à la droite et l’extrême droiteL’aggravation de la crise, les menaces qui pèsent sur leur Europe ne peuvent qu’entretenir le terreau sur lequel grandit l’extrême droite, celui de la démoralisation, du chômage, de la précarité, de l’insécurité sociale, du désespoir. Marine Le Pen prétend être la seule opposition à la gauche libérale et gouvernementale. Elle mise sur l’approfondissement de la crise et le discrédit de la gauche qui en portera la responsabilité pour semer la division, la haine, briser les solidarités et toute vie démocratique locale et fonder un grand mouvement populiste de la droite extrême avec des bouts de l’UMP. Une telle évolution est lourde de dangers. Elle ne sera enrayée que par l’union des travailleurs, de leurs organisations pour défendre leurs droits, refuser de payer les frais de la crise.Construire une opposition de gaucheLes enjeux des luttes sociales et politiques qui s’engagent dès les législatives à venir sont décisifs. Il s’agit de nous donner les moyens, l’instrument nécessaire pour non seulement nous opposer à l’austérité de gauche que le gouvernement de gauche va nous imposer mais aussi pour proposer une autre politique pour sortir de la crise et construire une autre Europe, solidaire et démocratique, l’Europe des travailleurs et des peuples.
Une politique qui refuse la soumission aux banques et aux grands patrons, à la dette en s’appuyant sur une mobilisation d’ensemble de toutes les victimes de la crise.
Yvan Lemaitre