Publié le Mercredi 3 mai 2023 à 16h45.

Cancers au travail et crimes industriels, conquérir la reconnaissance, abolir le silence !

À l’occasion du 28 avril, journée mondiale de la santé et de la sécurité au travail, il faut dénoncer la non-prévention et la sous-déclaration massive qui continuent à faire des ravages du côté des victimes.

La branche accidents du travail-maladie professionnelle (ATMP) de la CNAM ne reconnaît que 2 000 cancers professionnels par an. Alors que les épidémiologistes de la CNAM les estiment à 20 000 ! Ces reconnaissances concernent essentiellement 1 600 cancers liés à l’amiante. 

Moins de 200 cancers liés aux solvants, colorants, résines poussières, radiations ionisantes, travaux du bitume, industries chimiques, expositions aux pesticides sont déclarés. Cette sous-déclaration ponctionne les caisses de l’Assurance maladie (déchargeant d’autant la caisse Accident du travail, abondée par les seuls patrons), et entraîne un parcours du combattant pour les victimes et leurs familles, pour la reconnaissance et la fixation d’un taux d’incapacité professionnelle permanente.

Bien souvent, généraliste ou oncologue ignore le tableau des maladies professionnelles (MP), qui comporte d’ailleurs des conditions draconiennes. Le certificat médical initial d’accident du travail est « oublié » ! L’aide syndicale ou d’une association militante est donc indispensable !

Quand la caisse juge les critères incomplets

En cas de refus prévisible de reconnaissance de la caisse (« maladies hors tableau »), c’est la victime qui doit présenter son dossier, apporter la preuve d’un lien direct et essentiel entre son exposition et la maladie. Il lui faut rechercher des témoignages, dont celui du médecin du travail de l’époque. Mais le taux de refus des comités régionaux de reconnaissance des MP est de 57 %. Là encore, on peut contester devant le pôle social du tribunal judiciaire !

L’impunité des crimes industriels condamnée par les associations

L’impunité reste la règle, avec l’absence de sanction pénale lors des poursuites pour crimes industriels, comme l’amiante (100 000 morts estimés depuis 1995) ou l’usine Adisseo et ses 46 cancers du rein. 

Recommandations administratives molles, pas de vraie politique de prévention, inspecteurs et médecins du travail décimés par les politiques d’austérité, auto-entreprenariat, défaut d’archives sur les expositions et leurs dosages : tout concourt à cette impunité. 

Lorsqu’il n’est fait état d’aucune protection individuelle, alors que le danger est connu de longue date (1974 pour l’amiante !), le cadre pénal de la faute inexcusable s’impose et ouvre à une reconnaissance de l’entier préjudice.

Les déboires de la mise en place du suivi post-exposition

Le délai — autour de 25 ans — entre l’exposition et le développement du cancer est un obstacle à la reconnaissance. La suppression en 2016 de la fiche d’exposition remise par l’employeur au salariéE partant en retraite rend le suivi post-exposition aléatoire, alors que depuis 2010 le suivi post-exposition amiante prévoit un scanner thoracique tous les cinq ans.

Aujourd’hui, une circulaire Ameli (4-2023) précise qu’il appartient au patientE de faire la demande de suivi post-exposition à son médecin, avec une fiche précisant le milieu (amiante, silice, pesticides par exemple). 

C’est le médecin conseil de la CPAM qui choisit le type de surveillance et sa fréquence et l’écrit au médecin traitant. 

Reste que Renault Le Mans, après six condamnations pour « fautes inexcusables » pour inaction face à la manipulation d’amiante, ne reconnaît toujours pas le site comme amianté et ouvrant droit à la retraite amiante pour les salariéEs. 

Notre camp combat le démantèlement des CHSCT (ordonnances Macron 2017), de la prévention collective sur site (loi Lecoq de 2021), et le fait qu’une infime minorité des victimes de MP parvienne à faire reconnaître leurs droits, à un niveau de réparation inférieur au droit commun, au prix de délais et de souffrances endurées immenses et impunies.