Les chiffres sont têtus : l’alcool tue. En France, selon les données du ministère de la Santé de 2021, 49 000 décès par an peuvent être imputés à l’alcool : cancers, maladies cardiovasculaires, maladies digestives, accidents de la route, etc. L’alcool est présent dans les contextes de violences, de violences intra-familiales et donc des violences faites aux femmes.
La consommation d’alcool n’est pas un problème de comportement individuel mais une question de santé publique qui doit être abordée en tant que telle.
Initié en 2013 au Royaume-Uni le Dry January, en français « Janvier Sec », est une campagne de santé qui invite celles et ceux qui consomment de l’alcool à faire le point sur leur consommation et leur rapport à l’alcool en s’abstenant d’en consommer pendant un mois. Il débute le 1er janvier, après la période des fêtes de fin d’année qui est souvent synonyme d’excès de consommation en tout genre, en particulier d’alcool. Loin de tout moralisme son objectif est que chacunE, via le défi consistant à ne pas boire, quelques jours ou un mois complet, se questionne sur son rapport à l’alcool, à la sociabilité qui y est associée, et expérimente les bénéfices immédiats qu’il ou elle peut retirer d’une pause de sa consommation en matière de qualité du sommeil, de perte de poids ou de diminution des troubles digestifs liés aux consommations d’alcool. Sans même parler des économies réalisées en n’en achetant pas.
Pas de financements publics pour Dry January
Petit retour en arrière : en 2019 Santé publique France lance une série de concertations avec l’ensemble des acteurs de l’addictologie pour mettre en place la version française du Dry January, sur le modèle du Mois sans tabac. Un budget est prévu pour une campagne à grande échelle avec affiches, spots télé et radios, etc. Tout s’arrête lorsqu’en novembre Macron, en visite en Champagne, cède au lobby viticole. « Vous pouvez faire savoir qu’il n’y aura pas de Janvier Sec », aurait-il déclaré lors d’un dîner avec le Comité des vins de Champagne.
Rien d’étonnant pour celui qui a été depuis couronné Personnalité de l’année 2022 par la Revue des Vins de France, qui déclare boire du vin deux fois par jour. C’est une nouvelle victoire pour le lobby de l’alcool après le détricotage progressif de la loi Évin de 1991. Sous couvert de la défense de « traditions », de « savoir-faire », d’un « patrimoine culturel » le lobby des alcooliers vise à augmenter ses profits, ciblant en particulier les jeunes avec de nouveaux produits sucrés et très alcoolisés, au vu de la diminution régulière de la consommation de vin.
Le symbole de cette collusion entre l’État macronien et le lobby de l’alcool s’incarne en Audrey Bourolleau, ancienne secrétaire générale de Vin et société, le lobby officiel de la filière viticole, devenue conseillère de Macron sur les questions agricoles de 2017 à 2019.
Un succès qui rallie des villes et administrations
Cependant, en janvier 2020, le premier Dry January est quand même lancé par les associations, sans soutien de l’État et avec un maigre budget de 10 000 euros… Et c’est un succès, notamment auprès des jeunes qui seraient selon un sondage 24 % à avoir essayé de le suivre. Un succès qui inquiète le lobby des alcooliers, d’autant plus que de plus en plus de collectivités locales comme Brest, Grenoble, Nantes, Toulouse ou Paris s’associent à cette campagne et même des administrations comme la préfecture de Police de Paris qui a envoyé à tous ses agents un mail pour les inciter à participer au Dry January ! Et ce 1er janvier 2023, c’est Jérôme Salomon lui-même, directeur général de la santé, qui se fend d’une publication sur le réseau social professionnel LinkdIn pour promouvoir le Dry January.
L’alcool est un enjeu majeur de santé publique et les organisations du mouvement ouvrier devraient s’emparer de cette question, renouant ainsi avec des préoccupations exprimées dès son origine, comme lors du congrès de la CGT de 1898 : « L’alcoolisme se développe parallèlement à l’intensité du régime capitaliste (…). Il faut au mouvement ouvrier des consciences, des cerveaux et des cœurs : l’alcoolisme qui les détruit est donc notre ennemi mortel ».