Décider de son propre destin face à la mort est un droit fondamental. Depuis des années, lobbies médicaux et religieux freinent l’adoption d’une vraie loi pour le droit de mourir dans la dignité. Après de nombreux reports, Macron vient enfin d’annoncer un projet de loi qui intègre une « aide à mourir ». Les associations saluent cette avancée, mais pointent déjà ses insuffisances.
Les pouvoirs médicaux et religieux ont la vie dure face à une exigence largement plébiscitée dans la société, celle du droit de mourir dans la dignité. Et chaque loi votée révèle rapidement ses insuffisances. La loi Leonetti de 2005 n’instaure qu’un simple droit au « laisser mourir » face à l’acharnement thérapeutique. Puis la loi Claeys-Leonetti de 2016 instaure la possibilité d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès.
Misère des soins palliatifs
Une possibilité, déjà insuffisante, immédiatement mise à mal par le manque dramatique d’équipes de soins palliatifs, avec deux personnes sur trois qui n’y ont pas accès en France, sans compter que 21 départements en sont totalement privés. Mise à mal aussi par la difficulté d’accès en ville au midazolam, un puissant sédatif. Mise à mal enfin par les protocoles de la Haute Autorité de santé et de la très réactionnaire Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, qui limitent encore cette avancée, utilisée au compte-goutte, avec une lente déshydratation et une sédation souvent fluctuante, douloureuse pour les malades et les familles.
Ce sera donc la première fois qu’un projet de loi intègre une « aide à mourir », à la demande des patientEs, en recevant une « substance létale », selon des « conditions strictes ». Le projet de loi prévoit le cumul de quatre conditions : être majeur, avoir un discernement plein et entier, une maladie incurable et un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme, et subir des souffrances que l’on ne peut soulager.
C’est au malade de décider
Reste qu’avec l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, qui réclame depuis des années une loi visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté et à assurer un accès universel aux soins palliatifs, nous ne pouvons que constater qu’« à ce stade, le texte n’est pas celui qui permettra de répondre le plus parfaitement aux demandes légitimes des personnes en fin de vie. Il n’est pas le texte porté par les militants du droit de mourir dans la dignité. Mais il est, assurément, une première étape ». En ne prenant pas en considération les demandes anticipées, le texte exclut toutes les maladies neurodégénératives, de type Alzheimer. En exigeant que le pronostic vital soit engagé à court ou à moyen terme, ce texte condamne les patientEs atteints de pathologies lentement évolutives, type maladie de Charcot, à éprouver les contractures douloureuses et l’angoisse insupportable des derniers stades de la maladie.
Macron parle enfin de collégialité médicale, sans indiquer au final qui prendra la décision et selon quelles modalités. L’association Le Choix - Citoyens pour une mort choisie souligne à juste titre que « si la concertation est souhaitable, c’est au malade de décider », qui d’autre que soi peut juger de sa souffrance. Comme le souligne justement Stéphane Velut, chef du service de neurochirurgie au CHU de Tours, « la technique est là pour venir au secours de l’autodétermination à son propre destin ».
Frank Prouhet