Être de repos et se suicider, sur son lieu de travail, après avoir revêtu sa tenue de chirurgien, n’est pas anodin. Le 3 février, le professeur Barrat s’est jeté dans le vide, de la fenêtre de son bureau, situé au 5e étage d’un bâtiment de l’hôpital Avicenne, en Seine-Saint-Denis.
La direction de l’établissement se défausse de ses responsabilités en évoquant, en violation du secret professionnel, la maladie dont souffrait le professeur. Mais en omettant de revenir sur la fermeture du service qu’il dirigeait à Jean-Verdier, un autre hôpital de l’AP-HP, dans le 93. Sa notoriété nationale dans le domaine de la chirurgie viscérale et l’excellence de cette spécialité portée par les équipes de ce service n’ont pas pesé face à une direction dont la seule obsession est de faire des économies.
Compétition malsaine
Ce suicide est la conséquence de la gouvernance toxique qui préside à l’hôpital public. Après l’avoir traînée dans la boue, la direction de l’AP-HP se réclame du « soutien » de l’association Jean-Louis Mégnien, du nom de celui qui se défenestra aussi, à l’hôpital Georges-Pompidou, mais se garde bien de partager les interrogations de celle-ci sur ce décès, et sa réaffirmation d’un climat délétère qui expose fortement les soignantEs au risque suicidaire.
Rivalités professionnelles, en termes de pouvoir, de conception de l’organisation d’un service, de stratégie thérapeutique, atteignent un très haut niveau de violence, exacerbée par les conséquences de la loi Bachelot. En 2009, les clés de l’hôpital sont données aux directeurs et managers dont la seule ambition est comptable, tournant le dos à toute valeur humaine. La recherche vaine de l’équilibre financier pousse à une compétition malsaine les établissements de santé, entraînant souffrance des soignantEs et prise en charge dégradée de la population. Les règles instaurées il y a une dizaine d’années, avec la tarification à l’activité, ont contribué au développement d’une maltraitance institutionnelle érigée en règle : nul n’est épargnéE.
Et si les décideurs d’aujourd’hui affichent leur compréhension, voire leur compassion, aucun acte n’est posé pour sortir l’hôpital public de l’ornière mortifère dans laquelle l’ont précipité des décennies de politiques libérales, entendre privatisation.
Les professionnelLEs de santé, comme l’ensemble de la population, n’ont rien à attendre des plus hautes autorités de l’État. La mobilisation des Gilets jaunes ouvre la voie. Alors, gilets jaunes sur blouses blanches ?
CorrespondantEs