Publié le Dimanche 25 septembre 2022 à 19h00.

Médecins à diplôme hors UE : exploitéEs ou sans-papiers

Comme dans le bâtiment ou l’agriculture, les directeurs d’hôpitaux ont depuis les années 1980 profité du statut précaire des médecins praticiens étrangers à diplôme hors Union européenne (Padhue), pour leur imposer des contrats de gré à gré, et des salaires de misère, souvent trois fois moins élevés que leurs collègues.

Une aubaine en ces temps de déserts médicaux et d’austérité à l’hôpital. Conseil de l’Ordre des médecins et ministère leur refusent même le titre de médecin, réservé aux diplôméEs de l’Union européenne, qui n’ont aucune démarche à faire pour une équivalence. Les formations hors UE seraient de moins bonne qualité ? A priori raciste. Dès leur arrivée, ils font en effet tourner, en premiers de corvée, une majorité des hôpitaux généraux, depuis des années, à Paris, Pontoise ou dans le Poitou. La responsabilité médicale étant assurée « sur le papier » par un médecin senior.

Kafka au pays de l’austérité

En 2019, le ministère établissait une nouvelle loi, qui confie aux Agences régionales de santé l’examen sur dossier des autorisations d’exercer réservé aux Padhue qui ont deux ans et plus d’exercice en France. Certains Padhue ont été recrutés dans une spécialité (par ex. psy) distincte de leur spécialité d’origine (ex. gériatrie). Qu’en sera-t-il de la validation de leur dossier ? Pour tous, l’examen des dossiers est en retard de plus d’un an. Avec pour seule réponse : « Inutile de nous écrire » ou « Les commissions sont difficiles à réunir ». Les Padhue en colère ont manifesté devant le ministère en septembre 2021 et mai 2022. Pour les Padhue exerçant depuis moins de deux ans, un concours très sélectif se déroule chaque année, sauf en 2022. La loi prévoit ensuite pour eux deux années de « consolidation » dans le nouveau statut de « Praticien associé », qui rentrera en vigueur en janvier 2023.

Problèmes, alors que ces médecins, nous tenons à le souligner, tiennent les hôpitaux face au covid, face à la crise depuis des années, le type de sélection amène un taux d’échec important, autour de 60 %. Difficile de tenir dans les services et de préparer en même temps un concours, avec un véritable numerus clausus des postes disponibles ! En effet, le nombre des reçus est limité au nombre de postes de Praticiens associés créés par les ARS, bien insuffisant, et qui bafoue les demandes des directeurs d’hôpitaux. En février, la grogne dans les établissements a provoqué la publication au JO d’une liste élargie de postes mais… sans élargissement de la liste des lauréats 2021. Les Padhue reçus-collés sont priés de repasser leurs épreuves en… 2023. Alors que pour beaucoup, leurs contrats seront arrêtés en 2022… Kafka au pays de l’austérité et du racisme médical !

Des parcours de vie morcelés et déshumanisés

Car les Padhue non lauréats ou sans dossier à l’ARS ont touTEs vu leurs contrats non renouvelés en 2022, et donc leurs « récépissés de droit au séjour » préfectoraux s’arrêter, transformant ces médecins en sans-papiers. Des parcours de vie morcelés et déshumanisés, avec souvent dix ans de vie entre parenthèses, des situations matérielles souvent dramatiques, et une retraite déjà incomplète en vue. Sans soutien, réticents à se confier, ils et elles doivent être encouragés à pousser la porte de syndicats non inféodés. Même la mission flash Braun a reconnu le bien-fondé de « renouveler les contrats des Padhue pour éviter qu’ils rentrent dans leur pays d’origine ». C’est la mesure 28. Mais le Dr Braun, syndicaliste médecin devenu ministre, semble l’avoir oublié. Le Ceseda, code d’entrée et de séjour des étrangers, reconnaît aux « talents » quatre ans de droit au séjour : des conditions convenables pour les Padhue sont donc possibles dès maintenant.

Version moderne du discours raciste, on entend parfois que « leur place est chez eux là bas », qu’il « faut lutter contre la fuite des cerveaux des pays du Sud », pour justifier toutes ces barrières. Belle hypocrisie de ceux qui continuent à piller ces pays, imposent des coupes drastiques dans les dépenses de santé… contre lesquelles les médecins comme en Algérie se mobilisent et se font matraquer, avant de fuir leur pays ! Les élites des pays soumis à des traitements post-coloniaux n’ont pas à subir les conséquences du pillage de leur pays. Nous respectons leurs choix. D’autant qu’ils sont l’avant-garde des politiques de coopération de demain !

Face à cette France de Macron-Le Pen, nous disons que les Padhue représentent 8 % d’inscriptions annuelles supplémentaires à l’Ordre des médecins, lequel est responsable d’un demi-siècle de numerus clausus synonyme de pénurie médicale ! Donc médecins, pharmaciens, sages-femmes, dentistes Padhue, ensemble, nous bossons ici, nous vivons ici, ils restent ici, ce sont nos camarades ! Pour un droit de tous les Padhue à un exercice au même titre que les praticiens à diplôme communautaire, nous disons Stop aux discriminations liées à l’origine ethnique. Reconnaissance des diplômes !