Publié le Samedi 24 mai 2025 à 15h00.

Moratoire sur les fermetures de maternités ? Et maintenant des actes !

Le 15 mai, l’Assemblée nationale a approuvé par 97 voix contre 4 un moratoire de trois ans sur les fermetures de maternités de proximité.

 

Ce vote, contraire à l’avis du gouvernement, intervient, alors qu’a été rendu public un rapport montrant la hausse de la mortalité infantile en France. Celle-ci est passée de 3,5 décès pour 1 000 enfants nés vivants en 2011 à 4,1 en 2024. Une tendance inverse à celle que l’on constate ailleurs en Europe. La France qui était en 1990 en haut du classement européen pour sa faible mortalité infantile se place aujourd’hui à la 23e place sur 27.

Scandale sanitaire

Les causes de cette remontée de la mortalité infantile doivent être analysées et relèvent de facteurs multiples. Les difficultés d’accès aux soins, de la qualité du suivi, de l’augmentation du nombre de « bébés à risque » y jouent certainement un rôle important. La mise en place d’un registre national des pathologies et d’études de santé est une condition pour mieux comprendre et agir.

Les interventions des parlementaires ont fait le lien entre le scandale sanitaire que révèlent ces chiffres et la politique de fermeture massive des maternités de proximité. En cinquante ans le nombre de maternités a presque été divisé par trois1. Cette hécatombe, justifiée par des arguments de sécurité discutables, est avant tout guidée par les exigences d’un « hôpital entreprise » en quête permanente de « rentabilité ». Les maternités tendent à devenir des « usines à bébés » réduisant l’accouchement à un acte technique dont la « productivité » doit être optimisée, au détriment de son humanité. Quant à la « sécurité » pour la mère et l’enfant, est-elle garantie quand le risque de décès néonatal est multiplié par deux quand le trajet jusqu’à la maternité dépasse 45 minutes ?

Pas encore gagné

Le moratoire voté par les députéEs a le mérite d’attirer l’attention sur la régression que constitue la hausse de la mortalité infantile et sur les conséquences de l’affaiblissement et du démembrement de l’hôpital public, que la crise du covid avait déjà mis en lumière. Il ne suffira pas, loin s’en faut, à lui apporter des solutions.

Rien ne garantit que le texte voté à l’Assemblée « en première lecture » ne s’enlise pas dans les méandres des procédures parlementaires. L’exécutif et la macronie hostiles à ce vote ont déjà montré avec les projets d’abrogation de la réforme des retraites qu’ils avaient de grandes capacités à saboter le vote d’une décision qui ne leur convenait pas.

Les limites du moratoire 

Même s’il devait voir le jour, le moratoire n’est qu’une suspension provisoire. Il ne garantit pas le maintien ultérieur d’activité des maternités menacées et encore moins la réouverture des sites déjà fermés. Mais surtout, l’arrêt des fermetures suppose, si on le prend au sérieux, la garantie des moyens pour l’appliquer (présence de personnel formé, budgets).

Or ces exigences entrent en conflit direct avec l’austérité aggravée annoncée pour les budgets hospitaliers à venir. Les fermetures de lits, de services, d’établissements de proximité est la conséquence des ­politiques d’austérité pratiquées par tous les gouvernements. On ne peut les arrêter sans s’attaquer à ces politiques. Rendre le travail hospitalier attractif par des salaires décents, améliorer les conditions de travail en créant les emplois indispensables est incompatible avec le nouveau tour de vis de 40 milliards annoncé par le pouvoir.

La nécessaire mobilisation

Pour réellement mettre en application le « moratoire », il faudrait s’inscrire dans la perspective d’un financement de la santé à la hauteur des besoins. La sincérité de la démarche des députéEs se jugera à leur vote sur le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Sur ce terrain, l’unanimité affichée sur le moratoire risque de ne pas être au rendez-vous.

Ce n’est pas sur le terrain miné d’un jeu institutionnel que se jouera le maintien ou la réouverture des maternités et hôpitaux de proximité, mais sur celui de la mobilisation sociale unitaire, sans laquelle aucune rupture effective avec l’austérité n’aura lieu. Le vote du moratoire peut servir de point d’appui pour y parvenir, il ne la remplacera pas.

Commission nationale Santé, Sécu, Social du NPA-A

 

  • 1. Le nombre des maternités est passé de 1 369 en 1975 à 464 aujourd’hui.