Annonce de mesures symboliques contre les bonus des banquiers d’un côté, dizaines de milliards distribués d’un autre aux plus grosses entreprises dont on apprend qu’elles paient trois fois moins d’impôts que les PME: l’État est au service exclusif des plus riches.
Les banquiers crient au scandale. Sarkozy, dans les pas de Gordon Brown, le Premier ministre anglais, projette de taxer les bonus mirobolants que les banques versent à leurs traders pour attirer les «meilleurs». Encore il y a peu, réduits par la crise à quémander auprès de l’État des liquidités ou des garanties pour lever des fonds sur les marchés, voilà maintenant que les banquiers protestent face à l’annonce de mesures dont même la presse patronale indique qu’elles ne seront que symboliques.
Mais n’est-ce pas l’essentiel pour Gordon Brown, à quelques mois d’élections législatives, et pour Sarkozy avant les régionales? Celui-ci avait été le premier à dénoncer ces «bonus gigantesques» en septembre… 2008, à New York. Quinze mois plus tard, il annonce vouloir passer aux actes. Et très opportunément, ces mesures seraient discutées lors de l’examen de la loi de finances rectificative… début 2010, avec, on peut l’imaginer, force publicité.
Mais cette mise en scène est bien incapable de donner le change alors que l’État ne cesse de subventionner, par tous les biais possibles, le patronat des plus grosses entreprises. Ainsi, le Grand emprunt sur lequel Sarkozy et son gouvernement viennent de rendre les derniers arbitrages. Il y aurait, nous dit-on, 11 milliards d’euros pour les universités et 8 milliards pour la recherche. Mais, loin d’être destinée à tous les étudiants, cette manne ne servira qu’à une dizaine de campus dans le cadre d’une privatisation de l’enseignement supérieur dont l’objectif est de fournir aux grandes entreprises des dirigeants et des cadres supérieurs formés à leurs besoins. Même chose pour la recherche qui est un de leurs postes budgétaires les plus coûteux.
C’est ces jours-ci également que les grands groupes du secteur bâtiments et travaux publics présentent leurs offres pour obtenir la construction des lignes à grande vitesse (LGV) Tours-Bordeaux et Le Mans-Rennes. Bouygues, Eiffage et Vinci sont sur les rangs pour décrocher ces marchés qui représentent 10 milliards d’euros et dont l’État a promis d’assurer la moitié du financement. Un pactole qui s’ajoute à celui que représente la construction de la grande boucle de métro reliant Roissy à Orly, prévue dans la loi sur le Grand Paris (20 milliards d’euros).
Un rapport officiel publié la semaine dernière a révélé que les sociétés du CAC40 paient trois fois moins d’impôts sur les bénéfices que les PME. Plus les entreprises sont riches et puissantes, moins elles paient d’impôts, confirme cette étude, grâce à tous les procédés légaux par lesquels l’État leur permet d’échapper à la taxation (niches fiscales, paradis fiscaux, transferts de bénéfices dans d’autres pays, etc.).
Tout cela n’a pas empêché Sarkozy, lorsqu’il a présenté le Grand emprunt, de déclarer: «Il faut dépenser moins et dépenser mieux», et de confirmer la tenue en janvier d'une «conférence sur le déficit de la France», au cours de laquelle ce sont les dépenses utiles à toute la population qui seront dénoncées.
En réalité, les dépenses dont il est urgent d’imposer l’interdiction, ce sont les subventions à fonds perdus aux banques et aux multinationales qui, dans le même temps, font un profit supplémentaire en prêtant contre intérêt à ce même État dont elles creusent la dette.
Galia Trépère