Regardez leur nouvelle prison de Lyon-Corbas, qu'ils viennent d'inaugurer et de remplir : elle contient 1025 lits, alors qu'elle a normalement 660 places… L'administration pénitentiaire est déjà en train d'anticiper la surcharge à venir (dont 60 places pour les femmes).
Un surveillant peut gérer jusqu'à 120 détenus : il les mène à la douche, les envoie au parloir ou à leurs activités. C'est à lui qu'un détenu s'adresse quand il ne va pas bien; quand il veut voir l'assistance sociale (AS), le surveillant le signale, mais l'AS ne peut jamais venir tout de suite, car elle gère 150 dossiers. Les surveillants doivent assurer un suivi de la population carcérale, donner un avis sur le comportement des détenus. Il faudrait du personnel supplémentaire, cela s'ajoute à leur travail. Des quartiers spécifiques pour les arrivants ont été mis en place, mais il n'y a pas de personnel formé pour cette mission.
Plus il y a de monde dans un établissement, plus les mouvements sont compliqués et difficiles. «Avoir la charge d'un nombre aussi important de détenus devient un casse-tête pour les surveillants», souligne le contrôleur général des lieux de privation de liberté (nouvelle autorité indépendante). Il parle également de «la sécurité, cet ogre insatiable qui dévore les droits des détenus».
Actuellement, la grande majorité des établissements pénitentiaires sont surchargés et vétustes. Le personnel pénitentiaire ne peut plus gérer les problèmes humains liés à l'incarcération, on gère la détention à la va-vite, d'où le taux de suicides très élevé en France (56 suicides de détenus et dix environ de surveillants à ce jour).
Plus on broie les gens en détention, plus ils ont des chances de recommencer après. Si on veut de la sécurité, il faut surtout que les gens soient traités de façon plus humaine, car si les détenus sont traités de façon inhumaine, ils ne se comporteront pas comme des humains à la sortie. On ne sort jamais indemne d'un séjour en prison, si bref soit-il. C'est un système où les conditions de vie sont insupportables.
Par ailleurs, la construction de nouvelles prisons en partenariat public-privé (PPP) a été attribuée à la société Norpac (groupe Bouygues). Le groupe Bouygues avait déjà remporté, en 2006, un contrat avec sa filiale, Quille, associée au groupe Synthèse et architecture. L'Etat et le ministère de la Justice confient au groupe Bouygues, associé à GFC Construction, DV Construction, GTB Construction, Quille, Pertuy Construction, Exprimm, Dexia crédit local, Seief et Royal Bank of Scotland, la construction de trois établissements pénitentiaires à partir de 2010. Ces réalisations en PPP représentent 13200 places et un coût d'environ 1,4 milliard d'euros. Première en France dans le domaine de la Justice, le contrat de partenariat confie aux partenaires privés la quasi-totalité des services à la personne : restauration, hôtellerie, cantine, travail pénitentiaire, formation professionnelle, transport et accueil des familles.