Entretien. Cenon et Lormont sont deux communes de plus de 20 000 habitantEs de la banlieue de Bordeaux. Ces villes sont gérées par des majorités PS-PC-Verts avec à Lormont, depuis 2014, 4 élus FN au conseil municipal. Zones franches urbaines, Cenon et Lormont « bénéficient » de la politique prioritaire de la ville. Cités-dortoirs dont plus de 50 % de la population n’est pas imposable, répertoriées dans les communes les plus pauvres, elles vivent principalement des dotations d’État. Pour aborder ces questions, nous avons rencontré Christine Héraud et Mónica Casanova, élues du NPA dans ces deux villes.
L’État impose aux collectivités une baisse drastique des dotations, de plus de 11 milliards sur les trois ans à venir. Dans quelle mesure vos communes en subissent-elles les conséquences ?
C.H. : Cenon vient de voter son budget avec une baisse de la dotation forfaitaire de l’État de – 12,14 % (– 584 000 euros) sur un budget de fonctionnement de 37,5 millions. En 2015, les budgets de Cenon et Lormont ne seront maintenus à flot que grâce à la dotation de solidarité urbaine (DSU) octroyée aux communes les plus pauvres. Et il faut faire face aux augmentations de coûts, répondre aux besoins croissants des familles des quartiers populaires touchées par la dégradation de leurs conditions de vie. Le discours est donc à la « maîtrise des dépenses ». À Lormont, chaque commission a eu la tâche de réduire ses dépenses de 10 % !
Nous avons voté contre ces budgets contraints et dénoncé la mise à mal des communes pour des intérêts qui ne sont pas ceux des populations, mais pour servir au patronat les milliards du Pacte de responsabilité, du CICE, et de tous les cadeaux fiscaux faits aux plus riches…
M.C. : Les méfaits de cette politique se font durement sentir dans les quartiers : services publics de proximité réduits, projets abandonnés ou révisés à la baisse, subventions aux associations en recul... Des situations s’aggravent : le manque de places en crèches, la cantine refusée aux foyers dont un des parents ne travaille pas par manque de place dans les écoles… À Lormont, dans un quartier entièrement nouveau de plus de 1 500 logements, la municipalité a renoncé à construire une école. Les effectifs des écoles du secteur voisin explosent. À la rentrée prochaine, les enfants seront probablement répartis sur les écoles existantes, au prix d’un allongement des trajets et du surpeuplement des écoles.
Quels sont les choix de vos communes face à ces budgets contraints ?
C.H. : La « maîtrise des dépenses de fonctionnement » est le leitmotiv de nos maires. Derrière la formule officielle, il y a les économies réalisées sur les personnels : des départs en retraite non remplacés, des redéploiements de personnels qui entraînent une dégradation des conditions de travail, le recours à la précarité (23,33 % de non titulaires à Cenon, 25 % à Lormont). Pour la mise en place des rythmes scolaires, Lormont a embauché des animateurs à temps partiel, non statutaires (26 CAE et 8 emplois d’avenir). À Cenon, 15 emplois d’avenir ont été recrutés en 2014. La précarité explose aussi, indirectement, à travers des centaines de contrats ultra-précaires, parfois d’une heure par jour, dans les associations en délégation de service public ou d’utilité publique, comme à Cenon où la mairie se défausse sur l’association qui gère les centres de loisirs dans le cadre d’un SSIEG (Service social d’intérêt économique général).
La population paye aussi la baisse des dotations par une augmentation de la fiscalité. Cela fait maintenant trois ans que l’équipe municipale de Cenon a fait le choix d’augmenter de 2 % les taux d’imposition, en plus de l’augmentation des bases imposée par l’État. C’est faire payer la note aux moins riches des contribuables, dont les revenus stagnent, voire régressent. Et quand les tarifs municipaux augmentent, c’est la double peine !
Quels sont vos axes d’intervention ?
M.C. : Dans les conseils municipaux, nous nous faisons l’écho du mécontentement et de la colère des agents qui en ont assez de voir leurs conditions de travail se dégrader, leurs salaires stagner. Nous dénonçons l’opacité dans laquelle vont se faire les transferts de personnels dans le cadre de la métropolisation, avec le lancement de Bordeaux-Métropole cette année, et la menace de suppressions de postes que fait planer le plan de mutualisation.
En ce moment, nous participons à la mobilisation des enseignants de Lormont qui contestent leur passage en REP +, la nouvelle vitrine de l’éducation prioritaire avec l’instauration du management au mérite, la mise en concurrence des personnels…
Nous avons aussi été les seules à dénoncer les emprunts toxiques de la ville de Lormont (30 % de l’encours de sa dette). Le maire a été contraint d’assigner Dexia en justice pour un prêt dont les intérêts passeront de 4 à 14 % si la ville perd son procès. Le problème de la dette des communes est crucial. Elle est totalement illégitime, il faut l’annuler !
C.H. : L’État et les collectivités font payer l’austérité à la population et aux salariéEs, à travers des budgets élaborés sans eux. Nous pensons que c’est à eux de décider de ce qui les concerne, et nous nous battons pour une démocratie communale qui leur donne le droit de choisir et de décider.
Propos recueillis par des correspondantEs du NPA 33