Dans la perspective de l’ouverture à la concurrence du trafic voyageurs à partir de 2019, le rapport Spinetta recommandait entre autres la suppression de 9000 kilomètres de « petites lignes », celles sur lesquelles circulent moins de vingt trains par jour, jugées trop coûteuses. En 80 ans, le réseau ferroviaire a déjà perdu un tiers du réseau d’origine.
Pour la population, ces lignes du quotidien sont souvent d’une grande utilité. Les fermer purement et simplement, tout comme l’État ferme des écoles, des bureaux de poste ou des hôpitaux, est certes un moyen de faire quelques économies à court terme, mais avec des conséquences sociales dramatiques sur le court terme et économiques désastreuses sur le long terme, sans parler de l’absurdité d’une telle mesure sur le plan environnemental. D’où la colère des élus régionaux et des usagerEs.
Petites lignes en danger
Dans son projet de loi, le Premier ministre prétend faire machine arrière en laissant aux régions la charge de décider de l’avenir de ces « petites lignes ». Mais les responsables régionaux et locaux n’auront pas les moyens d’investir à la hauteur des besoins, dans un système capitaliste où tout se monnaye, où les profits passent avant les vies. Dans les régions hors Île-de-France, le constat est déjà partout le même : faute d’entretien et d’investissements, la SNCF impose des limitations de vitesse, ce qui allonge les temps de trajet. L’offre ne correspond plus aux besoins des « pendulaires » (domicile-travail ou lieu d’études), qui délaissent le mode ferroviaire. Les lignes finissent par fermer par manque de voyageurs, remplacées par des autocars assurant moins de dessertes et des conditions de travail et de transport au rabais.
Début avril, la ministre des Transports promettait d’investir 1,5 milliard d’euros par an dans la remise en état de ces lignes d’ici à 2020. Le 7 mai, face aux syndicats, le Premier ministre confirmait vaguement, mais en conditionnant ces investissements, largement insuffisants, à l’acceptation de l’ensemble de la réforme.
L’arrivée de la concurrence va accélérer les fermetures
À partir de 2021, deux régions sur trois prévoient d’ouvrir des lignes à la concurrence. Cette ouverture du réseau TER aux lois de la rentabilité maximum va accentuer le déséquilibre entre territoires et villes. C’est ce qui s’est produit en Italie, où la compagnie privée NTV-Italo ne dessert que les grandes villes sur le seul réseau à grande vitesse, laissant la compagnie publique Trenitalia supporter le coût du réseau secondaire. À long terme, c’est l’abandon pur et simple d’une partie du réseau ferroviaire, faute d’argent pour le maintenir, qui se profile.
Le « pacte ferroviaire » du gouvernement Macron-Philippe vise à accélérer la tendance déjà à l’œuvre : une gestion du transport ferroviaire pour le seul profit d’opérateurs privés, au détriment de la sécurité, des besoins des utilisateurEs et de la préservation de l’environnement.
Stella Monnot