Avant même la fin de l’opération d’enfumage constituée par les « états généraux de l’alimentation », le président de la République a prononcé le 11 octobre un long discours sur le carreau de Rungis pour exposer sa conception d’une nouvelle politique agricole.
Le plus surprenant est sans doute l’accueil plutôt favorable, venant d’organisations aussi différentes que la Confédération paysanne et la Coordination rurale, à cette déclaration de bonnes intentions, même si le satisfecit est tempéré de scepticisme quant à la mise en œuvre effective des mesures préconisées. Ainsi le secrétaire général de la Conf’, interrogé par Reporterre le 12 octobre, explique : « Une loi pour que les producteurs soient mieux rémunérés est une de nos demandes fortes. Nous portons depuis longtemps le fait qu’il faut une prise en main politique de l’agriculture et un changement de modèle. Dans son discours, Emmanuel Macron a donc utilisé des mots qui résonnent fortement à nos oreilles. »
Aucune réponse concrète
Aucun dirigeant politique ne revendique un système qui empêche les agriculteurs de vivre de leur travail et le discours présidentiel n’a rien de révolutionnaire, pas plus que les propos convenus sur la qualité et les bonnes pratiques. Mais quelle est la réponse réelle à l’exigence de prix rémunérateurs, c’est-à-dire couvrant les coûts de production et assurant un salaire décent aux agriculteurs, exigence qui était au centre des manifestations des éleveurs de porcs et des producteurs de lait ? Confrontés à la baisse des prix qui conduisaient beaucoup d’entre eux à la faillite, les producteurs avaient ciblé à juste titre la responsabilité des industriels transformateurs et de la grande distribution. Le ministre de l’Agriculture avait répondu par un saupoudrage d’aides, et la FNSEA avait sifflé la fin de la partie. Quant à la contractualisation, les principaux acteurs de la filière porcine avaient refusé la mise en place d’un prix plancher et le ministre s’était incliné.
Un modèle désastreux
Car s’il y a lieu d’être sceptique sur la prise en compte des prix de revient dans les futurs contrats comme dans les conséquences de la « restructuration des filières », toutes les déclarations de bonnes intentions sont contradictoires avec la volonté, jamais remise en cause, d’assurer la compétitivité de « la ferme France », notamment à l’exportation, ce « pétrole vert » plus bénéficiaire que les ventes d’Airbus. Pour assurer le succès de cette « vocation exportatrice » il faut baisser les prix, continuer sur la voie de la concentration des exploitations agricoles et des entreprises agroalimentaires, pressurer les paysanEs comme les salariéEs, accentuer un productivisme destructeur. Au mieux ce modèle désastreux peut s’accommoder d’un secteur bio, respectueux de la santé et de l’environnement, assurant une alimentation saine et savoureuse sur des marchés de niche. Pas de quoi s’enthousiasmer pour Emmanuel Macron, dont la politique concrète n’ira pas au-delà.
Gérard Florenson