Le mardi 15 mai, le PDG d’Air France KLM, Jean-Marc Janaillac, 65 ans, s’en est allé. Plein de rancœur après avoir mis sa tête dans la balance, certain qu’il allait remporter son référendum…
Première leçon d’ampleur nationale, cette défaite touche le système macronien. Le directeur des ressources humaines de l’entreprise, Gilles Gâteau, ancien conseiller social de Manuel Valls lorsqu’il était Premier ministre, n’est autre que celui qui a conseillé l’actuel ministère du Travail sur les relations avec les syndicats, à l’origine des modifications du code du travail qui diminuent considérablement les moyens syndicaux. Ils pensaient pouvoir s’en passer, ils découvrent qu’avec leurs ARH (responsables de la direction du personnel) et leurs syndicats maison (CFDT et autres), ils ne savent pas ce que pensent les salariéEs et sont abusés par leurs cohortes de cadres perroquets et valets fayots.
Une stratégie patronale défaite
Deuxième leçon : la stratégie de division entre pilotes et personnels au sol a une nouvelle fois échoué. Le personnel a réaffirmé son désir d’unité pour la défense des salaires.
Troisième leçon : le discours catastrophiste de la direction d’Air France, menaçant une nouvelle fois de disparition l’entreprise, est largement rejeté par les salariéEs. Résultat du travail patient de l’intersyndicale publiant les vrais chiffres à partir des comptes communiqués aux actionnaires. Avec un ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui a, en outre, précisé dimanche 6 mai sur BFM-TV que « l’État n’est pas là pour éponger les dettes » et appelé les salariéEs à prendre leurs responsabilités, la survie d’Air France étant « en jeu ». Ce ministre ne sachant pas qu’il n’y a plus de problème de dette à Air France, celle-ci ayant été largement réduite à coups de remboursements accélérés grâce aux très bons résultats ces dernières années. Comme quoi ces fameux ministres et leurs experts ne savent pas grand-chose et reprennent des discours en boucle : ça fait peur.
Les salariéEs ont le moral
On a donc une ambiance curieuse dans l’entreprise : les salariéEs de base sont très heureux du résultat et affichent un large sourire, quand l’ensemble de l’encadrement, qui a passé 15 jours à expliquer que c’était la fin du monde si le non l’emportait, affiche triste mine.
Des salariéEs qui voient avec détachement l’arrivée d’une PDG intérimaire de 68 ans, Anne-Marie Couderc, ancienne ministre de Juppé en 1995, ex-PDG de Hachette et Presstalis, spécialisée dans la distribution de la presse. Ils croient que nous allons lire le journal en attendant ?
Évidemment, la stratégie de la direction est de dire aux salariéEs qu’il faut attendre, une nouvelle fois, attendre le nouveau PDG, qui serait nommé… dans quelques mois ? Histoire de laisser passer la haute saison touristique.
Autre curiosité, on peut lire dans le journal patronal la Tribune du 11 mai, les propos suivants, parlant d’un éventuel candidat : « La rémunération du PDG d’Air France constitue un frein pour attirer les pointures de ce type. D’un montant fixe de 600 000 euros annuels, avec la possibilité de la doubler en rémunération variable, elle est largement inférieure aux 4 millions de livres gagnés, par exemple, en 2017 par Willie Walsh, le directeur général d’IAG (il avait même gagné 8,8 millions en 2015, avec tous les bonus). »
Vous ne rêvez pas, le nouveau PDG qui doit nous expliquer que nos salaires ne peuvent augmenter, trouverait lui qu’avec 1,2 million d’euros, il n’est pas assez motivé (sans parler des billets gratuits en première ou de la voiture avec chauffeur).
L’intersyndicale demande l’ouverture rapide de négociations tout en préparant la poursuite de la mobilisation. La balle est dans le camp de la direction et du gouvernement.
Joël Lejeannic