Deux rapports internationaux officiels décrivent l’explosion des inégalités, ces vingt dernières années. L’un émane de l’Organisation de coopération et de développement économiques1, l’autre de l’Organisation internationale du travail2.
Les rapports de l’Organisation de développement et de coopération économiques (OCDE) et de l’Organisation internationale du travail (OIT) confirment le recul de la part revenant aux salariés dans la richesse produite depuis le début des années 1980. La baisse moyenne, dans les quinze pays de l’OCDE pour lesquels il existe des chiffres, a été de 10 points : la part des salaires est passée de 68 à 58 %, de 1976 à 2006. Pour sa part, l’OIT note que cette part a baissé dans 51 des 73 pays où des données sont disponibles : c’est en Amérique latine que le recul des salaires a été le plus fort (13 points), mais l’évolution a aussi été sensible en Asie et dans les pays avancés (9 points). L’OIT souligne que la tendance générale est celle d’une augmentation des salaires réels (une fois déduite l’inflation) inférieure à celle de la productivité.
Deuxième constat : dans les deux tiers des pays de l’OCDE, les inégalités de revenus ont augmenté. L’OIT donne des chiffres sur un nombre plus élevé de pays : dans la grande majorité des cas, les inégalités se sont accrues. C’est particulièrement vrai en Chine. Le Brésil reste le pays le plus inégalitaire du monde. Parmi les pays industrialisés, cette place revient aux États-Unis, suivis de près par la Corée et le Royaume-Uni. Dans la majorité des pays, les inégalités de salaires ont augmenté : les salaires les plus élevés ont échappé à l’austérité imposée à la masse des salariés. Dans les deux études, la France figure comme l’un des rares pays où les inégalités n’ont pas augmenté. Mais cela renvoie à la méthode utilisée, qui ne prend pas en compte l’évolution des revenus les plus élevés : en France, par exemple, entre 1998 et 2005, les revenus des 9/10e de la population ont augmenté en moyenne de 4,6 %, mais ceux des 5 % les plus riches de 11,3 % et du millième le plus riche de 32 %3. Et encore, il ne s’agit là que des revenus déclarés.
Troisième constat : l’explosion des revenus des cadres dirigeants. Aux États-Unis, selon l’OIT, un PDG gagnait, en 2007, 521 fois le salaire d’un employé moyen (369 fois, quatre ans plus tôt). Aux Pays-Bas, les PDG, s’estimant sans doute trop mal payés, se sont octroyé (inflation déduite) 30,7 % d’augmentation par an entre 2003 et 2007, alors que leurs salariés n’avaient droit qu’à 0,4 %. Grâce à cela, un PDG hollandais gagne désormais 102,7 fois le salaire moyen (53,1 fois en 2003). En France, si l’on en croit une enquête réalisée par Capital et parue le 30 octobre dernier, les 50 premiers patrons français ont reçu une rémunération moyenne, en 2007, de 383 000 euros par mois, soit 20% de plus qu’en 2006 et 310 fois le Smic mensuel pour un plein-temps. Ce revenu n’inclut pas les revenus tirés des actions de leur société. L’OIT souligne que le lien entre l’explosion des revenus des dirigeants et les performances d’entreprise reste à démontrer.
Quatrième constat : la fiscalité est devenue plus inégalitaire. L’OIT souligne ainsi que, dans la grande majorité des pays, l’impôt sur les sociétés a baissé, de même que la fiscalité pesant sur les plus hauts revenus. En revanche, les taxes sur les consommateurs, notamment la TVA, ont augmenté.
Notes
1. « Croissance et inégalités, distribution des revenus et pauvreté dans les pays de l’OCDE ».
2. « Rapport sur le travail dans le monde 2008 : les inégalités des revenus à l’épreuve de la mondialisation financière ».
3. Camille Landais, « Les hauts revenus en France (1998-2006) », lire Rouge n° 2220.