Membres du gouvernement, parlementaires et journalistes des principaux médias partagent la même langue. Quand les Gilets jaunes, des syndicalistes, des militantEs anticapitalistes parlent de taxes, ils comprennent et martèlent « impôts » ; ils transforment cotisations sociales en « charges sociales ». Et à salaires ils préfèrent « pouvoir d’achat ».
Ce concept est censé combattre la perception de la réalité qu’a une majorité de la population de ne pouvoir vivre correctement jusqu’à des fins de mois qui commencent de plus en plus tôt. Et pourtant on voit défiler sur les plateaux télé des experts économiques qui nous expliquent qu’il est contre-productif d’augmenter les salaires. Pour eux, il faudrait constamment remettre au goût du jour la doctrine selon laquelle les aides aux entreprises est la seule voie permettant de (re)lancer l’emploi, la croissance, les richesses, qu’il ne resterait plus qu’à laisser ruisseler jusqu’en en bas de l’échelle sociale.
Insoutenables inégalités
Si la « taxe carbone » a été le déclencheur, c’est bien la gravité de cette situation qui est au cœur de la mobilisation des Gilets jaunes. Avec la reprise de l’inflation, l’augmentation de la CSG, la baisse des APL, l’augmentation des prix de l’énergie, le blocage des salaires, la désindexation des pensions de retraite sont devenus insupportables.
Le résultat des mesures budgétaires du gouvernement Macron consiste c’est un gain de 28 363 euros pour les 0,4 % les plus riches et de 86 290 euros pour les 0,1 % les plus riches soit + 17 %. À comparer aux 32 euros mensuels, toutes réformes confondues, hausse de la prime d’activité incluse, que gagnera en plus un salarié au SMIC, et aux 18 euros par mois accordés à ceux émargeant à 1,5 SMIC.
Selon le Centre d’observation de la société, sur 10 ans, le niveau de vie moyen du dixième le plus pauvre a progressé de 20 %, mais avec un gain annuel de seulement 1 400 euros, soit 120 euros mensuels. Le niveau de vie des 10 % les plus riches s’est accru de 25 %, soit plus de 11 000 euros de gain annuel, 950 euros mensuels. L’écart entre le haut et le bas de la pyramide des revenus s’est creusé de 10 000 euros annuels.
Toujours plus pour les plus riches
L’étude annuelle de 2018 du cabinet Proxinvest indique que la rémunération moyenne des patrons du CAC 40 atteint 5 millions d’euros par an, soit plus de 280 années de SMIC. Cette augmentation (+ 14 %) est la plus forte des dix dernières années. Pour les patrons des 120 plus grandes entreprises françaises, la rémunération moyenne annuelle s’établit à 3,8 millions d’euros pour 2017, soit 214 années de SMIC, avec une hausse de salaire de 10 %.
Avec les réformes, principalement de l’impôt de solidarité sur la fortune et de l’impôt sur les revenus mobiliers, les 5 034 personnes constituant les 0,01 % les plus riches, c’est-à-dire gagnant plus de 2 millions d’euros de revenus annuels, ont vu leurs contributions totales passer de 52 % en 2016 à 46,6 % en 2018. Cette baisse de 5,4 points se traduit par une économie de près de 253 800 euros. Au total,1,27 milliard d’euros captés sur l’enveloppe de 4,5 milliards pour les 1 % des ménages riches (qui correspondent, eux, approximativement, à 550 000 personnes).
Selon les ONG Oxfam et Basic, de 2009 à 2016, les sociétés du CAC 40 ont versé en moyenne 67,4 % de leurs bénéfices sous forme de dividendes et de rachats d’actions. Les réinvestissements ont représenté quant à eux 27,3 % des bénéfices et les primes pour les salariéEs (intéressements et participations) seulement 5,3 %.
Toujours plus de pauvres, toujours plus pauvres
Si l’on se réfère au seuil de pauvreté, à 60 % du niveau de vie médian (1 026 euros par mois), c’est avec près de 9 millions de personnes pauvres qu’il faut compter en France. Ce chiffre a augmenté de 820 000 au cours des dix dernières années.
En dix ans, le nombre d’allocataires du RSA est passé de 1,3 million à 1,7 million. 7,6 % de la population déclare ne pas pouvoir s’acheter une deuxième paire de chaussures faute de moyens. 4,8 millions de personnes ont dû faire appel à l’aide alimentaire en 2015. Près de quatre millions de personnes sont mal logées, soit que leur logement est très dégradé, soit trop petit, ou qu’elles n’ont pas de domicile personnel.
Renverser la tendance
Pas étonnant que, dans ces conditions, les enquêtes indiquent qu’environ 80 % des sondéEs pensent que leur pouvoir d’achat s’est dégradé. Les richesses existent. Leur répartition est insupportable. Un des fondamentaux du système capitaliste c’est de réduire au minimum les revenus de celles et ceux qui produisent les richesses pour alimenter profits et dividendes.
Dans les mobilisations qui se développent, nous défendons des revendications qui tendent à renverser la réalité de l’appauvrissement de la majorité de la population.
La confusion semée par des dizaines d’années de discours patronaux et gouvernementaux rend nécessaire de reprendre des débats, des explications. Des débats pour montrer que si le « net » est ce que touche le/la salariéE, vient s’y ajouter la partie de salaire socialisé sous forme de cotisations sociales. Qui devraient couvrir la Sécu, les allocs, les retraites, le chômage, la dépendance...
Les urgences, ce sont :
▸ Une augmentation immédiate de 300 euros net pour toutes et tous. L’égalité intégrale des salaires et revenus pour les femmes et les hommes.
▸ Aucun revenu, salaire, pension, allocation chômage en dessous des 1 700 euros net.
▸ Indexation des salaires sur le coût de la vie avec la (re)mise en place d’un indice de son évolution sur la base des dépenses réelles de la majorité.
Des chiffres que nous devons pas asséner mais construire, valider avec les salariéEs, les privéEs d’emploi, les retraitéEs.
Des urgences à arracher par nos mobilisations.