Les pathologies du travail sont invisibilisées en France. Pourtant, ou à cause de cela, la France est lanterne rouge en Europe pour les accidents du travail. À niveau standardisé de 100 000 salariéEs, la France compte 3 037 accidents graves du travail, contre seulement 921 au Royaume-Uni et une moyenne européenne de 1 700.
CGT, FSU, Solidaires, Andeva (Association nationale de défense de victimes de l’amiante), Association Santé Médecine Travail, Attac, Réseau féministe Ruptures, Cordistes en colère, ASD-Pro, Ateliers travail et Démocratie, Association des experts intervenant en santé au travail organisent les assises de la santé et la sécurité des travailleurEs les 13-14 mars 2024.
Accidents du travail et maladies professionnelles non reconnus
L’idée est qu’elles débouchent sur des actions militantes, construisent des combats communs pour faire de la santé au travail une grande cause publique. Car ces accidents du travail s’enracinent dans l’exploitation, les bas salaires et la précarité, l’organisation patronale du travail et des procès de production, la production des normes. Et la volonté patronale de liquider les collectifs salariés, bien illustrée par la suppression des CHSCT en 2016, va de pair avec les pénuries organisées des inspecteurEs et des médecins du travail, ou la difficulté à faire reconnaître le droit de retrait en situation de danger grave et imminent.
Il faudrait aussi parler des sous-déclarations systématiques, pour une caisse financée essentiellement par une cotisation patronale, de l’explosion des atteintes à la santé mentale non reconnues en maladie professionnelle, ou des accidents et des maladies professionnelles invisibles des travailleurEs sans-papiers et des auto-entrepreneurEs à la sauce Uber ou Deliveroo. Comme précarité rime avec travail féminisé et racisé, les travailleuses de l’aide à domicile sont un des secteurs où les accidents du travail sont en large augmentation. Chaque année, dans l’indifférence générale, des dizaines de milliers de travailleurEs sont licenciés pour inaptitude par refus des employeurs d’aménager les postes de travail. Double peine !
Des marqueurs sociaux forts de la pénibilité au travail
Le 13 et le 14 mars, les Assises seront organisées en plénières, mais aussi en groupes de travail, autour de quatre thèmes : Femmes, santé, travail ; Accidents du travail, maladies professionnelles : réparation, sanction, prévention ; Travail santé environnement (amiante, CMR, pesticides, chlordécone, PFAS…), comment lier la lutte des travailleurEs avec la défense de l’environnement ; Souffrance au travail, risques pro, comment agir sur l’organisation du travail.
À 35 ans, la différence d’espérance de vie entre employéEs et cadres est de 6,4 ans chez les hommes et de 3,2 ans chez les femmes. Un fossé qui se creuse car il n’était que de 6 ans il y a une dizaine d’années. Une différence, où l’accès aux soins joue en réalité un rôle mineur, et qui s’explique par la qualité de l’alimentation, du logement, de l’air respiré, de la plus grande consommation de tabac et d’alcool qui ne doit rien au hasard ou aux mauvaises habitudes, mais est un marqueur social fort, et bien sûr aussi par l’intensité et la pénibilité du travail, les accidents et les produits auxquels les travailleurEs sont soumis. Ce n’est donc la faute ni du salarié ni du hasard, mais bien une différence qui plonge au cœur des rapports d’exploitation capitalistes, quelque chose sur lequel ensemble syndicalistes et associations peuvent peser.
Frank Prouhet