En toute discrétion, le Sénat vient de voter une proposition de loi visant à liquider purement et simplement la médecine du travail. Alors que les accidents du travail sont toujours aussi nombreux mais toujours aussi peu déclarés, que les maladies professionnelles et les suicides au travail augmentent, et que le stress et la souffrance au travail sont en fort développement, le Sénat a adopté le 27 janvier dans la soirée une proposition de loi centriste réformant la médecine du travail. Cette proposition de loi reprend l’essentiel des dispositions que le gouvernement avait incluses dans le projet de loi sur les retraites mais qui avaient été retoquées par le Conseil constitutionnel. Ce texte répond point par point aux désidératas du patronat qui n’a jamais accepté de payer pour la santé des salariés et qui, depuis plus de vingt ans, s’attèle à vider la médecine du travail de sa mission de départ : une médecine préventive au service des salariés. Sous prétexte, une nouvelle fois, de sauver un acquis social, ce projet de loi réduira drastiquement les missions des professionnels de la santé au travail et au final la détruira. En effet, avec cette proposition de loi, les professionnels de la santé au travail ne seront plus au service des travailleurs mais au service des entreprises et du patronat, avec un contrat d’objectifs. Face à la pénurie des médecins du travail, on nous propose de les remplacer par des infirmiers qui ne pourront se substituer aux médecins et qui n’auront pas de statut de salarié protégé. L’aptitude et l’inaptitude des salariés seraient définies du point de vue patronal. Actuellement, le médecin du travail les apprécie au cas par cas selon les risques pour la santé liés au poste de travail. Désormais, cela dépendra exclusivement de la capacité des salariés à effectuer la totalité des tâches et cela revient donc à supprimer toute notion d’aménagement de poste et d’adaptation des tâches. Pire, un salarié déclaré inapte pourra être licencié sous 21 jours et les voies de recours possible ne sont pas précisées. Ainsi, ce texte, adopté en catimini ou presque par le Sénat, ne vise qu’à détruire la médecine du travail. À l’inverse de tout cela, une véritable médecine du travail est une urgence à l’heure où tous les secteurs d’activité sont aujourd’hui « à risques ». Face à la détérioration constante et accrue des conditions de travail, du développement du mal-être au travail, il faudrait un véritable service public de la médecine du travail, indépendant au service des salariés. Face à cette nouvelle attaque, la mobilisation unitaire se met en place, regroupant le même arc de forces que lors de la campagne contre la taxation des indemnités des accidentés du travail, il y a un an et demi (de LO au PS, ainsi que des associations de professionnels de la médecine du travail). Un meeting unitaire est organisé à Paris le 10 février prochain. Sandra Demarcq