La privatisation des lignes de bus de région parisienne est reportée car sa mise en place montre déjà les conséquences désastreuses et prévisibles de cette casse du service public.
Mardi 11 avril, les députéEs ont voté, en commission, le report de « l’ouverture à la concurrence » à 2026, c’est-à-dire la vente à la découpe, en 12 lots, de délégations de services publics sur la base d’appels d’offres auxquels pourront répondre diverses entreprises. Des nouvelles entreprises ou des filiales d’entreprises d’État, comme c’est le cas de Transdev, qui est une filiale de la Caisse des dépôts et consignations, ou de Keolis, qui appartient à la SNCF. Il y aura aussi sans doute des filiales de la RATP ! Et les salariéEs seraient transférés de la RATP à leur nouvel employeur, perdant ainsi leur statut.
Dégradation des conditions de travail et pénurie de main-d’œuvre
La RATP serait ainsi démantelée pour être remplacée par des sociétés qui échappent davantage au contrôle public, qui peuvent casser les statuts, les horaires, les temps de pause, les rémunérations. Ce sont ces conditions de travail fortement dégradées par rapport à la RATP qui ont été une des causes de la grève de Transdev. Déjà la RATP, en préparation de l’ouverture à la concurrence, a réduit de 121 à 115 jours le nombre de jours de repos des conducteurEs, augmenté l’amplitude de 11 h de travail à 13 h à partir du 1er janvier dernier. En « contrepartie », une série de primes sont transformées en augmentation de salaire, mais ça ne compense pas l’augmentation du temps de travail, cela ne représente pas d’augmentation effective sur la fiche de paie… et cela ne concernera pas les futurEs embauchéEs. C’est donc un vol organisé des salariéEs RATP, une dégradation des conditions de travail, sous prétexte d’une privatisation qui n’est même pas effective.
Et, pour les usagerEs, la qualité sera également revue à la baisse : l’entretien des véhicules, le remplacement en cas d’incident, l’information aux voyageurs et la superposition de lignes sur les mêmes arrêts pourraient poser de nombreux problèmes, selon la Fédération nationale des associations d’usagerEs des transports (FNAUT) qui ne se dit pourtant pas opposée à la mise en concurrence.
Report de la mise en concurrence en 2026
La privatisation pose déjà des problèmes : la perte du statut pour les agentEs qui seront transférés conduit à une difficulté à embaucher de nouveaux personnels, et on observe une pénurie de main-d’œuvre. De plus, la dégradation des conditions de travail conduit à une augmentation de l’absentéisme pour raisons médicales ou pour des grèves de 59 minutes qui permettent de protester ou de souffler entre deux services. Il y a des mobilisations sur l’augmentation des amplitudes horaires, le découpage des services en deux fois avec une pause entre les deux services.
La mairie de Paris et les députéEs PCF ont interpellé le gouvernement et Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France et donc d’IDF-Mobilités, argumentant notamment que cela pourra affecter… les jeux Olympiques. Ils ont demandé un report de la mise en concurrence à 2028, et les députés de la majorité présidentielle ont transformé en 2026. Le vote devrait avoir lieu le 4 mai prochain.
Cela donne un répit pour les salariéEs et les usagerEs. Et du temps pour informer sur les dangers de la privatisation, sur ses modalités et construire des mobilisations unitaires entre organisations syndicales et population des quartiers pour refuser la mise en concurrence. Un mouvement de type « ne privatisez pas ma ligne de bus » pourrait naître, profitant des luttes qui ont existé ces dernières années à la RATP, que ce soit contre les réformes des retraites ou, dans certains endroits, contre la privatisation.