Le confinement n’a évidemment pas les mêmes réalités suivant les milieux sociaux et, par conséquent, suivant les villes et les quartiers.
Alors que Macron, dans son intervention du lundi 16 mars, positivait le confinement en proposant d’en profiter pour se cultiver (prêt à partager ses conseils de lecture), et que les médias nous abreuvent de reportages sur des familles qui redécouvrent « l’essentiel des relations » et décrivent l’organisation méthodique de leur quotidien, il y a des réalités bien différentes. En 48 heures, l’agglomération parisienne s’est ainsi vidée de celles et ceux qui avaient pu trouver des solutions pour vivre le confinement au vert ou tout au moins dans de plus vastes espaces que les logements parisiens. Et puis il y a celles et ceux qui n’ont pas de plan B.
Quelle organisation du temps, de l’espace, des ressources ?
Quel peut être le quotidien du confinement pour les dizaines de milliers de personnes sans domicile (29 000 hébergéEs chaque nuit en 2017 dans le seul département de Seine-Saint-Denis) ? Quel peut être le quotidien des dizaines de milliers de personnes hébergées, dans le cadre du DALO (22 600 en 2017 pour le 93), dans des hôtels ? Tout cet hiver, c’est l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis qui a fait office de lieu de « mise à l’abri » pour des dizaines de personnes particulièrement fragiles laissées sans solution au 115. Quelle peut être la vie des familles vivant à quatre, cinq ou plus dans des appartements d’une trentaine de mètres carrés ? Quelle organisation du temps, de l’espace, des ressources, alors que quotidiennement les enfants, et les adultes, fuient cette promiscuité insupportable ? Comment les familles qui ne disposent pas d’outils numériques, voire qui n’écrivent pas le français, peuvent-elles gérer les « attestations sur l’honneur » pour sortir sans payer d’amende ? Comment les migrantEs et réfugiéEs qui ne pouvaient compter que sur l’accueil de Médecins du monde pour bénéficier de soins et d’accompagnement pour entrer dans le parcours de constitution de dossier de demande d’AME vont-ils et elles pouvoir tenir dans leur extrême précarité alors que la permanence est contrainte de fermer ? Comment les familles qui bouclent leurs repas et se procurent des produits d’hygiène et d’entretien auprès des Restos du cœur, ou d’autres associations, peuvent-elles survivre alors que les bénévoles de ces associations doivent se confiner pour assurer leur sécurité ?
Discriminations aggravées
Le confinement aggrave considérablement les discriminations : les moins pauvres vont vivre le confinement en régions, les pauvres dans leurs logements plus ou moins exigus et insalubres et les plus pauvres « confinés » dans la rue, les parkings. Après une semaine de confinement, les réalités commencent à exploser : sur le plan répressif d’abord, dès le premier jour, 10 % des amendes distribuées l’ont été dans le département de Seine-Saint-Denis et, dans les quartiers populaires, ce sont des hélicoptères qui ont été utilisés dans les cités, et l’on ne compte plus les cas de violences policières. Un véritable désastre social pour les plus pauvres, comme par exemple le centre d’accueil de jour pour les femmes victimes de violence dans le 93 qui vient de fermer, doublant le confinement des jeunes femmes (entre 15 et 25 ans) hébergées dans des centres ou des hôtels sociaux de l’isolement, sans suivi psy mais aussi sans l’aide de la banque alimentaire qui vient de cesser ses livraisons. De quoi les renvoyer vers les conjoints ou familles violentes qu’elles avaient fuies. Pas besoin d’être très perspicace pour mesurer le caractère explosif de ce qui ne fait que commencer : explosif pour la circulation du virus dans des cadres où les mesures de distanciation relèvent de la stricte impossibilité, explosif dans les confrontations qui ne manqueront pas d’advenir aussi bien entre les personnes, qu’avec les représentants du « maintien de leur ordre ».