Le haut commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a révélé le 30 mai 2018, dans une interview au Parisien, son projet de réforme des retraites : un bouleversement du régime en vigueur, en créant les retraites à points et en introduisant la capitalisation.
Le système actuel est un régime par répartition : les cotisations des actifs sont immédiatement utilisées pour payer les pensions des retraitéEs. La contre-réforme détruit cet acquis. Dans le nouveau régime, les cotisations donneront droit à des points, et au moment du départ à la retraite le nombre de points acquis servira à calculer le montant de la pension. La valeur du point pourra varier à la hausse ou à la baisse. Le principe de la répartition sera formellement maintenu mais sera dénaturé car l’on passera d’un régime de retraites à cotisations et prestations définies (on sait ce que l’on cotise et reçoit) à un régime à cotisations définies et à prestations indéfinies car il ne sera plus possible de connaître le montant de sa pension avant et durant la retraite. C’est le système appliqué par les régimes de retraites complémentaires.
Pour justifier sa réforme, Macron avait évoqué la justice sociale en affirmant que dans ce « système universel », « un euro cotisé donnera les mêmes droits pour tous », mais Delevoye revient sur cet engagement : « mon rôle sera de dire comment on justifie une différence visant à donner des points supplémentaires à certains et pas à d’autres et comment on accélère les convergences quand c’est possible ».
Les souhaits du MEDEF sont satisfaits : « il n’y aura pas de dérapage budgétaire, la réforme se fera à enveloppe constante » et la capitalisation sera introduite pour les revenus au-dessus de 120 000 euros ou 160 000 euros en créant un régime complémentaire obligatoire. Le seuil minimum pour l’âge légal de départ à la retraite restera fixé à 62 ans. Et par un vote de son congrès la CFDT a approuvé !
Des pensions réduites ou la retraite plus tardive
La durée d’activité nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein disparaît. Pour Delevoye, c’est un « arbitrage personnel, ma retraite me paraît suffisante, donc je pars, à l’inverse je n’ai pas assez de points je reste. Cela permet de respecter la liberté de choix ». Les bas salaires, les personnes victimes d’une ou plusieurs périodes de chômage, de la précarité, celles qui sont usées par un travail pénible, seront obligées de repousser le moment de partir à la retraite afin de toucher une pension un peu moins misérable. Mais sans bénéficier de véritable garantie de la valeur du point qui peut évoluer à la hausse ou à la baisse. Il n’est pas question d’augmenter la part des richesses consacrée aux retraites, mais le régime ne doit pas être déficitaire. Les raisons pour ajuster à la baisse le montant des pensions peuvent donc varier sous divers prétextes : manque de recettes en raison de la crise, du chômage, de l’augmentation de l’espérance de vie….
Actuellement, les 25 meilleures années sont retenues pour le calcul des retraites du privé et les 6 derniers mois pour les fonctionnaires. Dans le cadre de la contre-réforme toute la carrière professionnelle sera prise en compte pour déterminer le nombre de points acquis. Ce qui aura pour conséquence un alignement vers le bas du montant des pensions.
Interrogé sur la compensation des périodes de chômage et du -handicap (actuellement retenues dans le décompte des trimestres pour le calcul des retraites), sur la possibilité d’accorder des points supplémentaires aux parents qui ont élevé des enfants (ils bénéficient de trimestres supplémentaires actuellement) et sur le minimum retraite, Delevoye répond qu’il n’y aura pas de points gratuits ! Les femmes seront les plus durement impactées par cette décision.Les règles de calcul et de revalorisation ou diminution de la valeur du point ne sont pas davantage connues. Et il annonce discrètement un grand chambardement : il veut « clarifier et déterminer la nature du financement » sans plus de précision mais l’on connaît l’objectif du gouvernement : fiscaliser le financement de la Sécu au détriment du salaire socialisé.
Que peut apporter la capitalisation ?
Supposée « sauver le système par répartition », la capitalisation peut enrichir un jour les retraités/rentiers mais aussi leur exploser à la figure le lendemain et leur faire tout perdre. Pour les assureurs et banquiers ce sera le jackpot, tandis que les retraitéEs seront soumis au grand casino de la bourse.
Ainsi, aux États-Unis, la majorité des régimes de retraite sont des fonds de pension. C’est le choix fait par des municipalités de grandes villes pour financer les retraites de leurs fonctionnaires. Et en raison de taux d’intérêtplus bas que prévu, en 2017, il manquait près de 4 milliards de dollars aux organismes détenteurs des fonds de pension. En conséquence ces anciens fonctionnaires ne perçoivent plus le moindre dollar !
S. Bernard