Le verdict est tombé : les quinze syndicalistes sont relaxés pour le délit « d’entrave à la liberté du travail ». Relaxe pour quatre d’entre eux pour le délit de « séquestration », mais les onze autres sont condamnés à 1 500 euros d’amende avec sursis pour ce même délit. Parmi ces onze postiers grévistes figurent Olivier Besancenot et les principaux représentants départementaux de SUD et de la CGT.
Ce jugement est particulièrement grave et pourra servir de précédent puisqu’il assimile une simple occupation de locaux à une séquestration.
Pourtant, à aucun moment les syndicalistes n’ont séquestré qui que ce soit. Le 10 mai 2010, dans le cadre d’une grève majoritaire dans trois bureaux des Hauts-de-Seine contre le projet « facteur d’avenir », les postiers ont décidé d’occuper la direction départementale du courrier. Leur objectif : ouvrir des négociations avec le directeur départemental après plus de quinze jours de conflit dans les bureaux de poste de Chatillon, Asnières et Clamart.
La direction, refusant de recevoir une délégation de grévistes, s’est enfermée dans ses bureaux au troisième étage. Les grévistes ont donc décidé d’occuper le hall du troisième jusqu’à ce que le directeur départemental décide de sortir pour que des négociations puissent avoir lieu.
En fin de journée, treize cadres du service des ressources humaines de La Poste descendent de leurs bureaux au quatrième étage et refusent d’ouvrir les portes qui donnent accès au troisième étage et à la sortie afin d’empêcher les grévistes d’accéder à la direction. Ils préfèrent ne pas utiliser leur pass et donc rester bloqués en compagnie des postiers en lutte. Ils pratiquent de fait une auto-séquestration.
Cette condamnation donne le ton de la rentrée sociale. Elle veut pouvoir servir de jurisprudence en la matière. Il faut d’ailleurs rappeler que cette condamnation se fait sur la seule base d’un constat d’huissiers (sans dépôt de plainte ni enquête de police), alors même que les syndicalistes ont apporté la preuve de la partialité de l’huissier (modification des constats pour ajouter des noms de représentants syndicaux).Mais ce jugement qui peut paraître « clément » au niveau des sanctions pénales, vise à ouvrir la boîte de pandore de la répression syndicale, il s’agit en effet du second effet de cette décision : permettre de sanctionner au niveau disciplinaire (révocation ou licenciement)les syndicalistes trop gênants, mais aussi faire peur à tous les autres.
En effet, la direction tente de désarmer, à quelques semaines des élections professionnelles, une équipe syndicale combative qui a réussi à faire obstacle aux restructurations « facteur d’avenir » dans le département en menant le triptyque assemblées générales, extension de la grève à plusieurs bureaux et actions.Voilà donc plus de trois ans que La Poste tente sans succès diverses procédures disciplinaires qui pour que ces syndicalistes ne puissent plus exercer leurs mandats syndicaux. Cet objectif n’a pour le moment pas été atteint, puisqu’ils continuent d’intervenir dans les services.
Mais La Poste a déjà lourdement sanctionné plusieurs syndicalistes pour ces mêmes faits. Yann, fonctionnaire et membre du CHSCT départemental pour SUD, est exclu de ses fonctions (il ne peut pas reprendre son poste de travail et est privé de salaire) pendant deux ans dont dix-huit mois fermes. Bertrand, fonctionnaire également et secrétaire départemental adjoint pour SUD, a lui été sanctionné de douze mois dont trois avec sursis. Pour Gaël, contractuel et secrétaire départemental adjoint SUD, l’inspection du travail puis le ministère avaient refusé la demande de licenciement, ce qui n’a pas empêché La Poste de faire appel de ces décisions au tribunal administratif qui n’a pas encore jugé l’affaire sur le fond. Pour Yann et Bertrand, des recours au tribunal administratif sont en cours… il est évident que le verdict du 5 septembre pèsera du mauvais côté de la balance.
Même s’ils ont réussi à maintenir leurs mandats, malgré l’exclusion de leurs fonctions, nous devons prendre la mesure de l’attaque, de la force et des moyens déployés par la direction et cela jusqu’au niveau national. Il faut comprendre cela pour pouvoir répondre à la hauteur des enjeux et des moyens mis en place contre cette équipe de syndicalistes.
Cela implique un soutien financier accru, une information la plus large possible de la situation. Il faut aussi préserver le cadre unitaire pour s’opposer à cette répression : appels et rassemblements de soutien.Mais pour que La Poste recule, cela passera inévitablement par une riposte unitaire au sein même de l’entreprise contre les projets de réorganisation qui détériorent les conditions de travail et la qualité de service en supprimant des emplois. Tout en avançant une nécessaire revalorisation de salaires des postiers et postières qui sont parmi les plus bas de l’ancien secteur public (1 090 euros net à l’embauche et 1 200 net après neuf ans dans l’entreprise).
Pourtant les dernières années ont montré que les postiers étaient capables de résister, il est grand temps que toutes ces grèves longues et isolées convergent. Le coup de projecteur porté sur le 92 doit aussi servir à populariser cette nécessité. La journée de grève interprofessionnelle du 11 octobre prochain doit servir à avancer dans cette direction.
Pedro Cine