La crise est le système de régulation du capitalisme mais c’est le régime normal de l’industrie automobile. La vente ou non de tel ou tel modèle étant imprévisible, les firmes vont en effet de boom en krach permanents. GM et Chrysler ont fait faillite en 2009.
Après avoir licencié massivement, diminué drastiquement salaires et protections sociales et fait éponger leurs dettes par l’État US, ils distribuent aujourd’hui, tout comme Ford hier en difficulté, des dividendes à leurs actionnaires. Mais la ville de Detroit, elle, reste en faillite tout comme ses salariés. Volkswagen a fait le plongeon deux fois en 35 ans, licencié ses salariés par dizaines de milliers, mais parade aujourd’hui au sommet de la profitabilité.Peugeot a failli disparaître dans les années 60. Sauvé par l’État en 1966, il a alors construit l’usine de Mulhouse en 1971, Charleville en 1977, Trémery et Valenciennes en 1980, racheté Citroën en 1974 avec le financement de l’État, racheté Chrysler Europe en 1978, et devint le premier constructeur européen en 1980. Avant de replonger en 1981... Il licencie alors 98 000 salariés de 1984 à 1986, avec le financement de l’État. Il augmente la durée d’utilisation des usines à partir de 1984, met en place le flux tendu, allonge les horaires, et embauche CDD et intérimaires en 1987 et 1988. Il organise à Poissy une journée de travail de 10 heures en deux équipes dans une semaine de quatre jours avec un jour de travail glissant. L’usine tourne 20 heures d’affilée et 96 heures par semaine au lieu de 77 heures précédemment : la productivité de Peugeot augmente de 50 % entre 1985 et 1989...
Dividende maximumAujourd’hui ces fluctuations sont amplifiées du fait que les ventes d’automobiles battent tous les records au niveau mondial, en particulier en Chine, mais ont atteint un plafond en Europe, principal marché de la planète qui n’est plus que de renouvellement. Cette situation exacerbe la concurrence et pousse à se défaire d’entreprises ici pour en reconstruire d’autres là. Ainsi, Peugeot investit au Brésil, en Russie et en Chine, des marchés en pleine progression, et réduit ses capacités en Europe.Mais en même temps, la profitabilité est moindre à court terme pour les firmes en restructuration. Or les groupes automobiles sont avant tout des holdings industriels et financiers qui cherchent à attirer les actionnaires en leur distribuant un dividende maximum. Ils privilégient alors la diversification dans les secteurs qui rapportent plus. Peugeot, c’est aussi des autoroutes, maisons de retraites, cliniques, supermarchés, immobilier, assurance, nettoyage, électroménager, parkings, collectes de déchets, d’eaux usées, etc. Dès lors, ces firmes n’ont plus les liquidités pour leurs investissements automobiles. Du coup, elles vendent, filialisent (les équipementiers faisaient 25 % d’un véhicule en 1970, 70 % en 2009), s’allient avec d’autres pour se protéger, investir de nouveaux marchés ou faire des économies d’échelles avec plateformes et achats communs. Peugeot a vendu Gefco, fermé Aulnay, poussé le gouvernement à faire l’ANI, s’est associé à GM et maintenant veut faire de même avec Dongfeng (comme hier Renault avec Nissan ou Dacia, Fiat avec Chrysler, etc.). Pour cela, Peugeot demande 1,5 milliard d’euros à l’État mais a distribué 6 milliards de bénéfices aux actionnaires ces 12 dernières années. Il est vraiment temps de poser la question de l’intrusion des salariés dans la toute puissance du capital.
Jacques Chastaing