Dans la nuit du 5 au 6 novembre, les sénateurs ont repoussé à l’unanimité le projet de loi sur la réforme des retraites présenté par le gouvernement. Image, certes déformée par les manœuvres politiciennes, du désaveu qui se manifestait avec le chiffre de 74 % d’opposants à la réforme des retraites, données par les sondages.
Il faut dire que chaque groupe politique au Sénat avait profité des majorités variables pour faire passer ses amendements, revenant à modifier profondément le texte initial. Quitte à agacer la porte-parole du Parti socialiste, Laurence Rossignol, annonçant que le Sénat « creusait sa tombe » ! Une audace constitutionnelle en gestation ? Pêle-mêle, les sénateurs avaient notamment adopté un amendement centriste créant un système de retraite par points, et modifié profondément le texte en rejetant deux dispositions clefs, l’allongement de la durée de cotisation et la création d’un compte pénibilité.
Contretemps et mobilisationsLa droite se félicite de ce contretemps, le Front de gauche prétend l’utiliser pour faire encore bouger un texte que le gouvernement a décidé de porter jusqu’au bout sans modification. C’est ainsi que le Collectif unitaire contre la réforme des retraites s’adresse aux 15 députés PS abstentionnistes à l’Assemblée pour leur demander de s’opposer au projet de loi lors de son nouveau passage devant le Parlement pour « soutenir des revendications qui épousent l’intérêt général bien plus sûrement que la politique libérale malheureusement toujours en cours » et « produire un électrochoc qui ne pourra être qu’utile pour la gauche et l’engager, qui sait, sur d’autres chemins que celui qui conduit, si l’on ne fait rien, à des défaites à venir » (1). De son côté, la CGT annonce une journée d’action le 19 novembre, puis des rassemblements devant l’Assemblée et les préfectures, lorsque les députés voteront le texte.Autant d’initiatives qui, faute de réelle mobilisation, n’ont aucune chance de faire reculer le gouvernement. Après une nouvelle réunion de concertation dans le cadre de la commission mixte paritaire probablement infructueuse, le projet de loi sera adopté vers les 19 ou 20 novembre. Au milieu de difficultés réelles de mobilisation, la stratégie des organisations syndicales, comme contre l’ANI, faite de dialogue social et de refus de s’opposer frontalement au gouvernement, doit être revue.
Robert Pelletier1. « Lettre aux députés abstentionnistes ».