Les patrons et les gouvernements, qu'ils soient de droite ou socialiste, suivent invariablement la même procédure pour asséner des mauvais coups aux salariéEs : diffuser des informations laissant prévoir une énormité et finalement n'en faire qu'une partie en misant sur le soulagement réel ou feint. La contre-réforme annoncée des retraites n'échappe pas à cette règle.Le rapport Moreau nous a livré un catalogue de toutes les horreurs possibles : la baisse des pensions pour les retraitéEs plus l'allongement de la durée de cotisation plus le report de l'âge légal de la retraite plus la modification du mode de calcul pour les fonctionnaires... À l'arrivée, la loi proposée par le gouvernement n'en reprendra sans doute qu'une partie. Le Medef, qui verra ainsi certaines de ses exigences satisfaites, continuera d'en exiger toujours plus... mais les organisations syndicales empêtrées dans la conférence sociale pourront toujours prétendre qu'elles ont évité le pire. Il n'y a pourtant rien à négocier avec un patronat qui veut discuter de tout, sauf de l'augmentation des cotisations, et faire payer les salariéEs ou les retraitéEs, voire les deux à la fois !La mort programmée ?La mesure qui semble avoir les faveurs de François Hollande est l'allongement de la durée de cotisation jusqu'à 44 annuités. Hypocritement, il exclut le report de l'âge légal. Mais quelle est la différence ? L'âge moyen du premier emploi stable pour les jeunes est 26 ans, ce qui amènerait à 70 ans pour obtenir une retraite pleine et entière ! Une telle mesure n'a rien d'un « moindre mal ». Contre-réforme après contre‑réforme, depuis 1993, la durée de cotisation est passée de 37,5 annuités à 40 puis 41,5 aujourd'hui.Cet allongement progressif, associé à la modification des règles de calcul et à la désindexation sur les salaires, aboutit à la mort programmée de la retraite par répartition. C'est la négation même de la possibilité d'atteindre la retraite en bonne santé et avec les moyens d'en profiter. C'est la baisse inévitable du niveau des pensions avec l'explosion du nombre de ceux et surtout de celles qui finiront leur vie dans la misère. C'est la part belle faite aux financiers et fonds de pension en tout genre, en incitant ceux qui en ont les moyens à se payer une retraite sur le marché florissant des retraites complémentaires.Résister à l'intox, gagner l'opinionLes délais sont courts car le gouvernement Hollande-Ayrault prétend présenter sa loi en septembre pour la faire adopter avant la fin de l'année. Il n'y a donc pas de temps à perdre pour construire la mobilisation. Il faut d'abord convaincre, contre ce rouleau compresseur gouvernemental, patronal et médiatique qui veut nous enfoncer dans le crâne qu'une réforme est urgente et inévitable, qu'il n'y a plus d'argent pour financer les retraites, qu'on vit-plus-longtemps-donc-on-doit-travailler-plus longtemps.Nous avons au moins trois arguments forts pour refuser tout nouveau recul. Un : il n'y a pas de problème de financement des retraites, il y a un problème de répartition des richesses. Ce ne sont pas les retraitéEs qui coûtent trop cher mais les actionnaires qui, au cours des trente dernières années, ont accaparé 10 % de plus de la richesse produite.Deux : il n'y a pas trop de retraitéEs, il y a trop de chômeurs. Rien ne justifie de faire travailler plus longtemps des salariéEs uséEs quand le chômage frappe près d'un jeune actif sur quatre. La question des retraites est donc celle du partage du travail. Partage du travail par la baisse de la durée hebdomadaire pour embaucher et donc générer des cotisations sociales. Partage du travail avec la retraite pleine et entière à 60 ans — 55 ans pour les emplois pénibles — et l'embauche en CDI des jeunes qui galèrent de stages en contrats précaires.Dernier argument mais pas le moindre : ceux qui gouvernent aujourd'hui ont été élus pour nous débarrasser de la droite et de Sarkozy qui nous ont imposé une contre-réforme des retraites en 2010. Ils n'ont aucune légitimité pour poursuivre la destruction du droit à la retraite.Ce gouvernement doit battre en retraiteCe travail militant doit commencer immédiatement, avec des collectifs de mobilisation, avec l'organisation de réunions publiques, de débats, avec la diffusion d'argumentaire pour démasquer les mensonges déversés à longueur d'antenne. Ces cadres unitaires doivent regrouper touTEs celles et ceux, équipes et militantEs syndicaux, féministes, associatifs, politiques, qui sont d'accord sur une seule chose : engager le combat contre toute contre-réforme, contre tout nouveau recul.Christine Poupin
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