Surprise, surprise... Après des mois de non-négociation entre organisations patronales et syndicats de salariéEs sur la nouvelle convention Unedic, Pierre Gattaz pour le Medef vient de donner son accord au démarrage des négociations.
Assis sur la certitude de voir un candidat de droite comme nouveau président de la République, le patronat ne voyait pas d’urgence à s’attaquer à un dossier délicat et conflictuel tant au sein du patronat qu’avec les syndicats. Une incertitude qui ne fait que croître depuis le « Penelopegate », la course serrée entre Macron et Hamon, sans parler des hypothèses difficiles à écarter complètement par les temps qui courent de Mélenchon ou de Le Pen.
Gestion paritaire sous contrôle
Le droit constitutionnel au travail implique que lorsque l’on est privé d’emploi, on bénéficie d’une compensation assise sur des cotisations sociales. Alors que le paritarisme est largement une fiction pour la Sécurité sociale, il est encore une relative réalité tant pour les régimes de retraite complémentaire que pour l’assurance chômage.
Dans le cadre de l’Unedic, patronat et organisations de salariéEs négocient tous les deux ans les règles d’indemnisation. Son financement, exclusivement issu de la richesse produite par le travail, se base sur une contribution de 6,4 % du salaire brut, dont 4 % sont des cotisations dites « entreprise » et 2,4 % dites salariales.
Avec un déficit de 4 milliards d’euros en 2016 et une dette cumulée de 33,8 milliards d’euros, l’Unedic subit de plein fouet l’incapacité du gouvernement à réduire de façon significative le chômage. Deux rapports de la Cour des comptes et du gouvernement sont venus fort à propos défendre l’idée d’une baisse de droits au nom de la réduction du déficit de l’Unedic. Le gouvernement Hollande, garant de la solvabilité de l’assurance chômage, vise à mettre en œuvre la promesse de réduction de 800 millions d’euros du déficit évoquée par Christian Eckert, le ministre du Budget.
Incertitudes politiques
Les incertitudes de l’actuelle séquence présidentielle ajoutent largement aux contradictions qui traversent de façon structurelle les partenaires sociaux au sein de l’Unedic. Fillon, qui prévoit de prendre les choses en main via des ordonnances, inquiète les défenseurs patronaux ou syndicalistes du paritarisme, tout en rassurant avec sa volonté de « serrer la vis » aux chômeurs. Macron de son côté annonce vouloir nationaliser l’assurance chômage et retirer la gestion de l’Unedic aux partenaires sociaux, afin d’avoir la main sur la convention afin de changer un certain nombre de règles. Il envisage notamment l’extension de l’assurance chômage aux indépendants (au bout de cinq années d’activité) et aux démissionnaires, mais aussi la suppression des cotisations chômage et maladie de tous les salaires pour « redonner du pouvoir d’achat » aux travailleurs. La compensation viendrait d’une augmentation de 1,7 point de la CSG, un impôt acquitté par plus de monde. Il affirme être, comme d’autres, favorable à un système de bonus-malus visant à pénaliser les entreprises qui ont le plus recours aux CDD.
Tant Benoît Hamon que Jean-Luc Mélenchon affirment leur volonté de maintenir la gestion paritaire du régime. Si l’on peut penser qu’Hamon reprendra les projets actuels de modulation des cotisation, Mélenchon déclare vouloir, comme Macron, étendre le régime aux indépendants et aux démissionnaires, misant sur son plan de relance de l’économie pour réduire le chômage.
Des enjeux trop lourds pour ces temps-ci ?
À deux mois d’une élection présidentielle à hauts risques, il ne faut pas exclure qu’une majorité des organisations patronales et syndicales souhaitent conclure un accord a minima pour mettre le futur gouvernement devant un fait accompli. La question des contrats courts sera vraisemblablement au cœur des débat. La possibilité de majorer les cotisations d’assurance chômage sur les CDD existe depuis l’accord national interprofessionnel de janvier 2013, qui a fait passer ce taux de 4 % à 7 % pour les CDD de moins d’un mois, à 5,5 % pour les CDD d’un à trois mois, et à 4,5 % pour les CDD d’usage de moins de trois mois. C’est la piste privilégiée par le gouvernement qui souhaitait l’inscrire dans la loi travail. Cette solution permettrait, selon les modalités choisies, de jouer sur les recettes de l’Unedic, et non sur ses dépenses (c’est-à-dire les droits des chômeurs), afin de rééquilibrer les comptes. En guise de compensation, le patronat pourrait exiger une dégressivité des allocations... suffisamment modérée pour ne pas fâcher la CFDT et autres syndicats conciliants.
Cette dégressivité, expérimentée entre 1992 et 2001, n’a pas fait ses preuves, contribuant tout au plus les salariéEs plus qualifiés à prendre des emplois moins qualifiés, et rejetant les moins qualifiés dans un chômage plus long. Et peu importe pour ces gestionnaires vertueux que seulement moins d’un chômeur sur deux (43 %) soit indemnisé aujourd’hui par l’assurance chômage, soit 2,64 millions de personnes, et que 15 % des allocataires touchent moins de 500 euros par mois... Mais resteront aussi à « régler » d’autres dossiers comme le financement de Pôle Emploi, le coût des salariés transfrontaliers ou encore le régime des intermittentEs. Avec la certitude qu’au moins pour ces derniers, les concernéEs pourraient bien venir troubler les compromis par leur mobilisation.
Robert Pelletier