Le gouvernement a donc cédé à la pression des policiers : la loi sur la présomption de légitime défense sera examinée en conseil des ministres le 21 décembre pour un vote au Parlement au premier trimestre 2017.
Ajoutée au décret autorisant l’armement des policiers municipaux, des agents de sécurité de la SNCF et de la RATP, cette loi renforcera la toute-puissance de la police.
De quoi la légitime défense est-elle le nom...
La légitime défense est l’autorisation de riposter à une agression de manière proportionnelle. Elle impose aux policiers de n’utiliser leur arme qu’en cas d’absolue nécessité. Ce droit a déjà été élargi : aujourd’hui les policiers peuvent faire usage de leur arme, sans menace directe, mais s’ils sont dans le cadre d’un « périple meurtrier », c’est-à-dire s’ils ont affaire à des terroristes qui ont déjà tué, sont toujours armés et sont susceptibles de tuer à nouveau. Mais ils veulent plus... Ce qui était au cœur de leurs revendications, c’est une extension de leur permis de tirer, notamment par l’alignement des règles de la légitime défense de la police sur celles, plus larges, des gendarmes. La Cour de cassation a cependant appelé la gendarmerie à la plus extrême prudence, réaffirmant que les tirs ne devaient être utilisés qu’en cas d’absolue nécessité.
Ce qui fonde encore aujourd’hui la différence sur les règles d’usage des armes entre la gendarmerie et la police, c’est que les premiers font partie de l’armée. En tant que militaires, ils peuvent être confrontés à d’autres militaires, alors que les seconds travaillent sur la tranquillité publique auprès des citoyenEs qui, en principe, ne sont pas leurs ennemis... Mais aujourd’hui, avec la militarisation de la société et la création d’un « ennemi de l’intérieur » que les différents gouvernements se sont employés à construire, les uns et les autres ont de fait, comme par exemple à Sivens, le permis de tuer sur le territoire.
Il n’y a pas non plus de vide juridique en ce qui concerne les policiers qui font usage de leur arme : en cinq ans, il y a eu 50 procédures liées à l’utilisation de la légitime défense... et aucune condamnation de policiers prononcée !
Toute puissance policière
C’est justement ces procédures judiciaires, qui servent à vérifier qu’il n’y a pas eu abus du permis de tirer, que les policiers ne veulent plus. Ainsi, s’ils obtiennent gain de cause, ils n’auront plus de compte à rendre à la justice.
Cette présomption de légitime défense a déjà été en vigueur à des moments sombres de l’histoire en France, d’abord sous Vichy dans l’objectif clairement affiché d’éliminer les résistantEs, puis durant la guerre d’Algérie... Nous devons donc être particulièrement vigilants en ce moment sur l’extension des droits donnés à la police.
Plusieurs organisations syndicales, dont le Syndicat de la magistrature, proposent d’homogénéiser les deux régimes de légitime défense en calquant celui des gendarmes sur celui des policiers et de s’en tenir à la définition qui limite la légitime défense aux situations de péril immédiat. C’est bien sûr la proposition la moins dangereuse pour touTEs... tant que les policiers seront armés !
Militarisation de la société
Cette loi sera votée après le décret du 29 novembre qui autorise l’usage de pistolet semi-automatique 9 mm pour les policiers municipaux, les agents des services internes de la SNCF et de la RATP. Avec une quantité d’armes en circulation plus grande, les dangers liés à leur utilisation abusive, aux bavures, augmentent bien évidemment. Faut-il rappeler que l’armement des policiers n’est pas la règle partout ?
Ainsi en Grande-Bretagne, le maintien de l’ordre est assuré par des policiers non armés. Seuls 5 % des officiers de police possèdent une arme, officiers chargés d’apporter une aide à leurs collègues non armés confrontés à de grandes difficultés. Leur service est très encadré : entraînement régulier, formation spéciale, suivi psychologique, interdictions de porter son arme hors service ou de la rapporter chez soi. Les armes n’ont été utilisées que 8 fois depuis 2009. 82 % des membres de la fédération de la police se prononcent contre le port d’armes, conscients que le surarmement policier entraîne inévitablement le surarmement des délinquants et les risques de bavures.
En France, par la loi sur la présomption de légitime défense, l’une des dernières de son quinquennat, Hollande et son gouvernement donnent aux prochains maîtres de l’Élysée et de Matignon de nouveaux outils pour continuer la construction de l’État policier contre les jeunes, les habitantEs des quartiers populaires, les militantEs... Plus que jamais, il faut revendiquer le désarmement de la police !
Roseline Vachetta