La « souffrance psychique » des « exclus » est devenu un sujet sur lequel se penche la compassion médiatique. Mais c’est aussi une réalité que côtoient quotidiennement travailleurs sociaux ou professionnels de santé engagés dans l’aide ou le soin à ces hommes et ces femmes « en trop ».
À partir de son expérience de psychiatre de service public et de militant, Jean-Pierre Martin montre les dangers d’une approche de l’errance qui la transformerait en « trouble du comportement » relevant de réponses normatives, de traitements ou de soins imposés.
C’est pourtant dans cette voie que sont aujourd’hui engagés la psychiatrie et le travail social, sous l’impulsion des politiques libérales qui opèrent le basculement de l’État « social » à l’État « pénal ». C’est aussi celle qui menace « l’humanitaire ».
Le livre fournit une analyse précise des effets désastreux, pour les pratiques d’aides et de soin, de la soumission des institutions sanitaires et sociales au « management » et aux politiques sécuritaires.Il montre également les alternatives qui ont pu se construire, notamment avec les équipes « psychiatrie précarité », et leur démarche d’aller vers ceux qui ne demandent rien. Le soin commence par être un « prendre soin », de personnes qu’il ne s’agit pas d’invalider mais de respecter.
Ce livre, au-delà des professionnels de la psychiatrie et de l’action sociale, concerne les militants intéressés par la dimension subjective de la misère et de la précarité.
Jean-Claude Delavigne
Érès, 222 pages, 23 euros