Un énième projet de loi « anti-terroriste » sera en discussion à la fin du mois à l’Assemblée. Et comme prévu, un nouveau pas risque d’être franchi dans les atteintes aux libertés individuelles et collectives, avec l’instauration d’un état d’exception permanent.
«Moi je considère que rien ne menace ma liberté si ça permet de lutter efficacement contre le terrorisme. » Ainsi s’exprimait, le 27 août dernier, le porte-parole du gouvernement Benjamin Castaner, invité à commenter le nouveau projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ». Ce texte sera soumis à la discussion à l’Assemblée le 25 septembre, avant son adoption prévue à la fin du mois. Et le moins que l’on puisse dire est que les inquiétudes que nous pouvions avoir ont été confirmées non seulement par les propos de Castaner, mais aussi par le contenu du texte lui-même.
Procédures liberticides légalisées
Souvenons-nous que ce projet de loi a été vendu par Emmanuel Macron comme un moyen de sortir de l’état d’urgence… tout en le pérennisant par l’inscription de plusieurs dispositions d’exception dans le droit commun. Ce faisant, le président contredisait un certain Macron Emmanuel, qui écrivait dans son livre Révolution, publié en novembre 2016 : « Il faut revenir au droit commun, tel qu’il a été renforcé par le législateur et agir avec les bons instruments. Nous avons tout l’appareil législatif permettant de répondre, dans la durée, à la situation qui est la nôtre. » Car c’est bien à des modifications substantielles et inquiétantes de la loi que le gouvernement souhaite parvenir.
Les perquisitions administratives et les assignations à résidence seront désormais dans le droit commun, même si le pouvoir croit donner le change en les rebaptisant « visites et saisies » et « mesures individuelles de surveillance ». Une novlangue qui dissimule mal le fait que, malgré quelques changements cosmétiques, ces procédures liberticides seront désormais légales et permanentes, de même que la possibilité pour les préfets d’instaurer des « zones de protection » pour sécuriser un lieu ou un événement « face à un risque terroriste », dans lesquelles pourront être effectués des palpations, des contrôles de bagages et des fouilles de véhicules, sans réquisition judiciaire.
La « sécurité » au-dessus de tout
Le déséquilibre entre les pouvoirs étendus de la Police et les gardes-fous de la Justice est maintenu, et même renforcé, et l’on n’est dès lors guère surpris de constater que c’est Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur, qui se fait le promoteur du projet de loi, tandis que Nicole Belloubet, ministre de la Justice, est reléguée à l’arrière-plan. La « sécurité » est au-dessus de tout, notamment des libertés individuelles et collectives, et nous ne pouvons que reprendre à notre compte l’analyse lucide de Nicolas Krameyer, porte-parole d’Amnesty international France : « On va se retrouver à s’attaquer à des gens parce qu’ils ont exprimé des opinions que l’on juge choquantes ou parce qu’ils ont dans leur entourage quelqu’un qui est considéré comme potentiellement dangereux (…). Il s’agit là de mesures attentatoires à la liberté. »
Vigilance et mobilisation sont donc de mise face à cette nouvelle étape de la fuite en avant sécuritaire qui, au nom de la lutte anti-terroriste, conforte toujours un peu plus les tendances autoritaires des États capitalistes et de leurs institutions en crise.
Julien Salingue