Fidèle a sa tactique, le gouvernement a lancé une campagne de désinformation et de démoralisation sur la question des retraites avant « les négociations » avec les « partenaires sociaux » qui doivent s’ouvrir avant l’été 2010. Les prévisions pour le régime d’assurance vieillesse seraient inquiétantes : 8,2 milliards d’euros de déficit cette année, 30 milliards en 2011, 58 milliards à l’horizon 2013.Sondages à l’appui, il s’agit de préparer l’opinion publique au pire. 76 % des Français inquiets sur le montant de leur retraite, mais une majorité attachée au système de répartition et voulant le préserver. L’âge moyen auquel ils pensent partir est de près de 62 ans, mais une majorité préférerait cotiser davantage pour partir plus tôt.Ce désarroi, perceptible parmi les salariés, est renforcé par les déclarations de certains « responsables » politiques et syndicaux. Pour Martine Aubry, secrétaire nationale du Parti socialiste, « on doit aller très certainement, on va aller très certainement, vers 61 ans ou 62 ans ». François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, emboîte en souhaitantun débat « sanstabou »sur la question, espérant un « consensus national ». Pour lui, « les éléments de la réforme de 2003 ne sont plus contestés et la France n’a pas besoin d’un conflit sur ce sujet », jugeant au passage que« c’est une bonne chose que lePSpose les vraies questions... Pourvu que ça dure ». Il souhaite que tous les sujets soient abordés : l’âge de départ à la retraite, la pénibilité du travail, l’emploi des seniors et la durée de cotisation. Pour lui, la borne de 60 ans est « déjà dépassée » car, dans les faits, la liquidation intervient en moyenne à 61 ans. Elle doit toutefois rester une « référence » pour les salariés ayant commencé à travailler jeune. Autre tabou à lever : les retraites dans la fonction publique. « Il ne faut pas recommencer ce mauvais scénario » de la réforme Balladur de 1993 qui avait modifié les règles pour les salariés du privé et laissé inchangées celles des fonctionnaires. La CFDT milite pour « un rapprochement » des règles « progressivement ». De son côté, le secrétaire général de la CGC estime indispensable d’augmenter le nombre d’années de cotisations et de reculer l’âge légal de départ. Si FO, la CFTC et la CGT affirment leur volonté de défendre le système de retraites par répartition et refusent tout allongement du temps de cotisations et le recul de l’âge légal de départ, beaucoup d’ambiguïtés peuvent se cacher derrière la « maison commune des retraites » et surtout le refus de réaffirmer le retour aux 37,5 annuités de cotisation. Le Medef s’engouffre dans la brèche, affirmant que le sujet est beaucoup plus consensuel que l’on croit et qu’il faut s’attaquer au système par répartition. Il s’agit de mettre en place un système par capitalisation ou par points permettant aux salariés les plus aisés de mettre leur pension à un niveau acceptable, en confiant leurs cotisations aux banques. La grande masse des salariés devenant des retraités pauvres, ils rejoignent ainsi les « économiquement pauvres » de l’après-guerre. Pourtant, les moyens de financement existent : de la suppression de toutes les exonérations de cotisations patronales à l’augmentation de ces mêmes cotisations, en puisant dans les faramineux profits réalisés par les entreprises, même dans la dernière année de « crise ». Refusons l’allongement de la durée de cotisation, qui n’est qu’un moyen de baisser le montant des retraites. Maintenons le droit à la retraite à 60 ans ou après 37,5 annuités de cotisation, avec 75 % du salaire et un revenu minimum de 1 500 euros net. Refusons d’augmenter le temps de travail des « seniors ». Pour gagner, il faudra bien briser le tabou du consensus national et du diagnostic partagé qui ont sapé les mobilisations de 2003 et 2007. La bataille sur les retraites doit emprunter la voie de la mobilisation pour le« non » au référendum sur le Traité sur la Constitution européenne ou celle du CPE, en nous souvenant que c’est la mobilisation des jeunes, à la base, qui a imposé l’unité aux confédérations et fait reculer le gouvernement. Robert Pelletier