Le 21 avril, Amine Bentounsi est abattu d’une balle dans le dos par des policiers qui le poursuivaient à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis). Le 25 avril, le policier auteur du coup de feu mortel est mis en examen pour homicide volontaire par le tribunal de Bobigny.
À l’origine, c’est la procureure de Bobigny, réputée pour être aux ordres du pouvoir, qui fait placer le policier en garde à vue. Elle a ouvert une enquête pour « coup mortel ». C’est donc qu’elle jugeait qu’il y avait des faits sérieux. Le juge a mis en examen le policier en retenant une infraction plus grave : « homicide volontaire ».
On ne peut que se féliciter de ce choix d’incrimination fait par la justice pour cette mise en examen. En effet, le plus souvent, la justice retient la version des policiers – après la mort d’une personne provoquée par une intervention policière. Cela aboutit, quand il y a mise en examen (ce qui malheureusement n’est pas toujours le cas), à une incrimination qui évite de pointer la responsabilité des policiers.
Aussitôt connue la nouvelle du motif de cette mise en examen, les policiers descendent toutes sirènes hurlantes dans les rues de Bobigny, à Paris sur les Champs-Élysées, à Marseille, Nice, Lyon, Bordeaux et Pau pour dénoncer cette décision, en stigmatisant une fois de plus le tribunal de Bobigny et ses juges laxistes !
Dans le même temps, Nicolas Sarkozy, dans la logique de sa campagne menée sur les thèmes de l’extrême droite, propose d’instaurer une « présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre », reprenant ainsi une proposition du programme du Front national.
Cette proposition correspond également à une demande du syndicat Alliance, bien connu pour ses positions proches de l’extrême droite, qui a tout de suite annoncé le lancement d’une pétition parmi les policiers appelant à un « droit à la présomption de légitime défense » afin de « mieux protéger policiers et gendarmes ».
Comme le dit très bien Matthieu Bonduelle, président du Syndicat de la magistrature, « c’est stupide, la présomption d’innocence existe déjà, faire une présomption de légitime défense ne changerait rien, c’est d’ailleurs Sarkozy qui avait inventé la présomption de culpabilité par le passé. Soit c’est de la poudre aux yeux, soit il y a quelque chose de plus grave derrière. Si Nicolas Sarkozy souhaite mettre en œuvre une présomption de légitime défense absolue alors là c’est vraiment nouveau et ça n’existe dans aucune démocratie. Cela signifierait que le policier peut se servir de son arme comme il veut, sans que jamais la justice ne puisse enquêter pour savoir s’il était en situation de légitime défense ou pas. C’est la mise en place d’un permis de tuer. » La règle c’est l’impunité des policiers 350 personnes, la plupart jeunes et/ou immigrés ont été tués en 30 ans par des policiers, lors de courses-poursuites, d’interpellations musclées ou d’expulsions de sans-papiers.
Les procès des policiers de la plupart des affaires récentes se terminent par un non-lieu ou des peines très légères, voire par un classement sans suite avant même tout procès. Que ce soit pour Hakim Ajimi à Grasse, Ali Ziri à Argenteuil, Luigi Duquenet à Orléans, Lamine Dieng à Paris, Mamadou Maréga à Colombes, Abdelilah El Jabri à Aulnay-sous-Bois…
Par contre, les jeunes qui réagissent à la suite de la mort de jeunes de leur quartier sont eux durement condamnés, le plus souvent en comparution immédiate, et prennent des peines de prison fermes.
Nous ne pouvons qu’être inquiets de la pression des policiers depuis le début de cette affaire, notamment des syndicats de policiers comme Aliance et Synergie. L’extrême droite est implantée chez les policiers, qui dans certains département, notamment le 93, ne font pas mystère de leur sympathie pour le FN. Le livre de Didier Fassin, La Force de l’ordre, est très éclairant sur l’idéologie d’extrême droite et le racisme qui règnent dans certains commissariats.
Hollande est attendu au tournant par les policiers, et faire monter la pression dans la police a pour but certes de protester contre la politique du chiffre et de la RGPP, mais pour beaucoup il s’agit d’un signal au prochain gouvernement : « pas touche à nos pratiques ».
Nous devons continuer à nous battre contre l’impunité de la police, et exiger justice et vérité pour toutes les personnes tuées par la police.
Anne Leclerc