Samedi 8 octobre deux voitures de police étaient attaquées et incendiées, près du quartier de la Grande-Borne, entre Viry-Châtillon et Grigny, dans l’Essonne. Quatre policiers ont été blessés, dont deux grièvement brûlés. Ce qui n’était qu’un fait divers, aussi dramatique soit-il, est devenu l’objet d’une vaste campagne contre les classes populaires pour justifier l’offensive policière et sécuritaire du gouvernement, seule réponse qu’il connaisse aux drames que sa propre politique engendre.
Ce carrefour lieu de l’attaque est connu pour de nombreux vols à la portière avec violences, lieu aussi de divers trafics. Il y a un an, la mairie de Viry-Châtillon avait décidé d’y installer une caméra de surveillance, depuis régulièrement détruite... C’est pour la « sécuriser » qu’étaient en place les deux voitures de police attaquées par une vingtaine de jeunes. La police voulait à tout prix contrôler le carrefour face à une bande de jeunes pris dans la logique des trafics, de la délinquance, de la violence dans un monde sans issue pour eux.
Les classes dangereuses...
Après avoir qualifié les agresseurs de « sauvageons », Bernard Cazeneuve, désavoué par Valls parlant de « barbares », a dû hausser le ton et parler de « criminels cagoulés » face à la mobilisation des policiers et à la pression des Républicains et du FN qui ont exigé sa démission. « Stop au coup de l’excuse sociale ! », s’est exclamée l’ancienne porte-parole LR Lydia Guirous, alors que le secrétaire général du FN, Nicolas Bay, pratique l’amalgame avec « des terroristes islamistes » et que Marion Maréchal Le Pen évoque « des tueurs de flics ».
La Grande-Borne, cité abandonnée où vivent 13 000 personnes, le plus souvent pauvres et sans travail, en particulier les jeunes, est décrétée « zone de non-droit » soumise à la loi des bandes et des gangs, des trafiquants de drogue... Toute sa population est ainsi stigmatisée, alors que l’État est incapable de faire face à ses propres responsabilités pour que la Grande-Borne et Grigny ne soient plus une zone de non-droits sociaux, cela alors que la ville est en faillite, financièrement sous tutelle de la préfecture.
Surenchères répressives et électoralistes
Pour masquer sa responsabilité l’État et ses serviteurs politiciens stigmatisent les classes populaires et instrumentalisent un fait divers dramatique pour mener leur campagne sécuritaire, s’appuyant sur une mobilisation initiée par les syndicats de la police les plus à droite, dont Alliance et SGP-FO, et les gradés, avec la collaboration active des médias. Ledit malaise policier est mis en scène : « Les policiers ont peur », « Les policiers sont à bout », et Alliance de dénoncer « le sentiment d’impunité des délinquants » et le « laxisme de la justice ». Le refrain, c’est la faute aux juges, exige de « modifier la législation sur la légitime défense», avec une « remise à niveau des effectifs de la police nationale ».
« Quand on s’attaque à des policiers, on s’attaque tout simplement à la France », leur répond Valls avec emphase. Il voudrait que tout le monde aime sa police autant que lui ! Et, pour se faire aimer, il débloque 650 millions d’euros pour « reconquérir pas à pas » ces « territoires »... Il annonce 101 postes supplémentaires en Essonne, des « films anticaillassages sur les véhicules, voire des blindages » ou encore des tenues « ignifugées », avec bientôt la construction d’un « commissariat de plein exercice » à la Grande-Borne.
Le maire PCF de Grigny approuve. Pourtant, il est bien placé pour savoir que ces annonces électoralistes ne résoudront rien. Bien au contraire, elles enferment une partie des jeunes dans le piège de la violence en accentuant les tensions.
Tout le monde comprend que cette campagne politicienne, tout comme ces annonces n’ont d’autres visées qu’électorales... Le sort de la population de la Grande-Borne et de Grigny, le pouvoir et les politiciens de gauche comme de droite s’en moquent. « Apartheid », disait Manuel Valls, là aussi sans comprendre grand-chose. Mais c’est bien lui, sa politique et celle des banquiers et patrons qu’il sert, qui font des quartiers populaires les plus défavorisés des territoires sans espoirs ni perspective. Et avec l’ensemble du monde du travail, il faudra bien que la jeunesse et la population réussissent à se donner les moyens de faire entendre leur profond malaise et de conquérir leurs droits.
Yvan Lemaitre