« Il n’est pas bon d’être musulman, migrant ou réfugié dans la France d’aujourd’hui ». Ainsi se conclut, avec lucidité, un texte récemment publié par l’écrivain Tahar Ben Jelloun.
Police du quotidien, mesures islamophobes, projet de loi asile-immigration, toute la politique de Macron va dans le même sens. Pour François Sureau, pourtant proche du président et rédacteur des statuts de LREM, le nouveau projet de loi vise ni plus ni moins à « tuer le droit d’asile ». Selon lui, la logique du pouvoir est plus globale : il s’agit d’« un retour au Second Empire, un mélange de libéralisme économique et de contrôle policier typique des régimes bonapartistes tardifs ».1
Ce projet de loi renforce en effet la logique d’exception envers les étrangerEs. Il légitime ainsi des raisonnements et des outils, racistes et policiers, touchant toute la société. Le dispositif d’hébergement d’urgence sera désormais soumis au contrôle policier et oblige les travailleurs sociaux à devenir des relais de la police. Pour la Cimade, le texte « transforme l’accueil en un instrument de contrôle des personnes exilées ». Augmentant les délais de l’enfermement, dans les centres de rétention comme dans les commissariats, la loi criminalise les étranger. UnE étrangerE pourra ainsi être retenu 24 heures dans un commissariat pour un simple contrôle d’identité, enfermé pendant près de trois mois en centre de rétention ou condamné à 1 an de prison en cas de franchissement de frontière hors des passages autorisés ! Elle limite en outre les recours possibles, notamment celui auprès du juge des libertés et de la détention.
Imposer le retrait du projet de loi et plus encore !
Quand le racisme d’État gangrène toute notre société, c’est la société qui doit se révolter.
Et les germes de cette révolte existent, sur tout le territoire. De Grenoble à Saint-Denis en passant par Lyon, des étudiantEs occupent des immeubles ou des universités au côté des migrantEs. Dans la région parisienne la CGT a lancé une grève des travailleurEs sans-papiers. Ceux-ci ont déjà gagné sur deux sites du 94. À Metz, plusieurs centaines de manifestantEs ont marché le samedi 24 février contre le nouveau projet de loi, et plusieurs milliers à Paris le mercredi 21 février. Les institutions de la machine à trier et expulser sont même touchées avec la grève des travailleurEs sociaux de l’Ofpra ou des avocats de la CNDA.
Le 24 février, dans le quartier de La Chapelle à Paris, une déambulation a démarré à partir du foyer de travailleurs migrants de la rue d’Aubervilliers pour appeler à la marche du 17 mars. RésidentEs des foyers, membres des collectifs de sans-papiers se sont relayés pour dénoncer la situation qui leur est faite. Ils criaient « des papiers, des logements, l’égalité, pas des policiers » s’attirant le soutien des jeunes harcelés du quartier. Des migrants à la rue les ont rejoints tandis que plus de 2000 tracts étaient distribués et 200 affiches collées sur les murs du quartier. Deux jours plus tard, l’union locale de la CGT a décidé de soutenir l’appel lancé pour la marche du 17 mars.
À Rennes, Grenoble, Rouen, des cars sont déjà affrétés pour monter à Paris lors de cette marche. L’assemblée des occupantEs de Lyon, dit « Collectif de l’amphi Z », appelle à une coordination nationale le week-end suivant.
Alors que le 17 mars verra des manifestations contre le racisme et le fascisme dans toutes les capitales européennes, tout doit être désormais fait pour que celle de Paris soit le signal d’une révolte de fond contre la logique du pouvoir.
Denis Godard
Sur Facebook : Marche des solidarités « Le racisme d’État tue »
- 1. Mediapart, 17 janvier 2018.