Publié le Lundi 5 février 2018 à 09h33.

Mobilisation contre l’école du tri social de l’université à la maternelle : une fenêtre de tir contre Macron

Les chiffres d’assemblées générales et de manifestation du jeudi 1er février montrent qu’est en train de commencer dans la jeunesse et plus largement chez les personnels de l’Éducation Nationale et de l’ESR un début de mobilisation contre la politique du gouvernement, se cristallisant aujourd’hui autour de la question de loi Vidal et de la réforme du baccalauréat. 1200 étudiants et personnels en AG à Toulouse, 250 à Rennes II, 250 à Nanterre, 400 à Paris I… L’UNEF annonce une dizaine de facultés perturbées par des blocages ou des barrages filtrants. Un nombre significatif de lycéens ont manifesté, notamment à Rouen, Marseille, Caen, Paris.... Du côté des enseignants de lycée, alors que le SNES n’appelait pas à la grève, un nombre significatif d’équipes syndicales ont fait grève et sont allées en manifestation, même si cela restait très minoritaire. 

Depuis une quinzaine d’années, les gouvernements successifs mènent des attaques contre m’éducation. Mais ces attaques ont été faite en ordre dispersé en s’en prenant tour à tour à tous les secteurs de l’éducation. Le gouvernement Macron, fort des faiblesses du mouvement social et politique, se lance dans une réforme d’ampleur qui vise à transformer radicalement le système éducatif et ses finalités.

Nous avons, pour la première fois depuis plusieurs années, une fenêtre de tir. Pour consolider et amplifier la mobilisation, nous devons liés la réforme du supérieur et celle du lycée, pour montrer qu’il s’agit d’un ensemble cohérent qui vise à rendre les jeunes « employables » et annihile toute conception émancipatrice de l’éducation. Ces réformes s’inscrivent également dans le projet libéral du gouvernement pour mettre en compétition les établissements et casser le statut des enseignants. 

La loi Vidal, le plan étudiant, et maintenant le rapport Mathiot, constituent en effet des attaques structurelles contre la jeunesse et contre notre classe sociale. Refusant d’accueillir les 40000 étudiants supplémentaires du babyboom de l’an 2000, le gouvernement met en place la sélection à l’entrée à l’université et généralise la compétition. Il crée des difficultés par la pénurie de moyens et en profite pour réformer en profondeur le service public d’éducation de bac -3 à bac +3. L’objectif du gouvernement serait de remplacer une école de l’éducation et de l’émancipation par une école de l’employabilité. Derrière ces réformes, l’objectif est de renforcer les inégalités entre le capital et le travail et à orienter / sélectionner les jeunes, et en particulier les jeunes de la classe ouvrière pour leur accès à l’enseignement supérieur en fonction de leur bac.: la destruction des diplômes nationaux et le renforcement de la sélection vont permettre au patronat de faire baisser les salaires.  

D’un côté, le gouvernement met en place les « attendus » destinés à sélectionner les bacheliers à l’entrée de la faculté, de l’autre il détruit le bac comme examen national et premier grade universitaire pour accéder aux filières non sélectives. Le rapport Mathiot propose, sous les directives de Macron, un changement profond des objectifs du lycée, des conditions de travail et des statuts des personnels. La semestrialisation amène l’annualisation des services, le contrôle continu amène une surcharge des obligations de service non rémunérée et d’activité d’évaluation plutôt que sur les apprentissages, la réorganisation en majeures-mineures amène à la disparition de disciplines, la baisse des horaires élèves amène à un plan massif de suppressions de postes, la connaissances de 75 % des notes du bac en avril transforme le bac en outil de sélection et de tri pour empêcher l’accès des jeunes des classes populaires à l’université, le contrôle continu dévalorise le bac en diplôme local. Si le rapport Mathiot fournit des propositions au gouvernement pour réformer le bac et le lycée, le plan Darmanin en fournit la méthode pour restructurer la fonction publique en appliquant les méthodes managériales du privé : réduction de 120000 postes de fonctionnaires d’ici à 2022, recours amplifié aux contractuels, recrutement local, suppression de la garantie de l’emploi… 

 Parachevant cette transformation majeure de l’université, le plan étudiant renforce le processus sélectif au cours de la licence en supprimant les compensations entre UE et entre semestres, et en supprimant les rattrapages. Le gouvernement a choisi un plan d’action ultra-rapide pour mettre en place ce projet, en demandant aux enseignants du secondaire de mettre en place la réforme alors qu’elle n’est même pas encore adaptée légalement, cherchant par là à faire avorter la mobilisation. 

Cette cohérence de l’ensemble des attaques du gouvernement commence à apparaître à une échelle relativement large des étudiants et des enseignants. Celles-ci se situent dans la continuité d’une série de réformes sur plusieurs décennies : LMD, autonomie des universités (LRU). Il est crucial de décortiquer les implications de cette réforme, notamment en terme d’exclusion des classes populaires de l’ESR. Par ailleurs, le modèle des universités des années 60 est largement en crise, avec un chômage de masse à la sortie des études supérieures, et le gouvernement Macron, répond à sa manière à ce problème. En tant que parti, nous devons donc aussi répondre à cela, et il nous est nécessaire de proposer un autre système éducatif en positif. 

C’est pourquoi il est nécessaire, dès maintenant de proposer une politique pour l’ensemble du secteur, cherchant à unifier lycéens, étudiants, personnels et enseignants, de la maternelle à l’université, ce que ne veulent pas les directions syndicales.. Ainsi la division entre le second degré et l’enseignement supérieur, orchestrée par le SNES qui a posé la date de grève du 6 sans faire le lien avec le mobilisation du 1er février, a largement fait débat, dans les syndicats, particulièrement à l’intérieur de la FSU, entre le SNES, le SNESUP et le SNASUB, et à l’intérieur même du SNES. De la même façon, l’absence de consignes claires du SNES concernant le boycott des avis de conseil de classe et de la « fiche avenir » laisse les collègues désemparés et isolé face à l’administration. Une partie de la direction nationale La majorité de la direction du SNES n’est pas fondamentalement opposée à une « meilleure gestion des flux » (donc à la sélection / orientation) et ne souhaite pas une mobilisation générale contre la sélection. Le SNESUP a été obligé d'appeler à des coordinations des mobilisations locales sur les universités et la date du 1er février. Mais le parcours de la manifestation parisienne (800 mètres...) montre qu'il ne cherche pas à réellement organiser l'affrontement. La coordination nationale de l'éducation (CNE), que nous devons utiliser pour tenter de développer la mobilisation, reste pour l'instant un outil cadenassé par les directions syndicales. Nous devons nous y investir tout en cherchant à impulser une véritable cadre d’auto-organisation, comme une coordination étudiante. 

Nous devons défendre une plate-forme revendicative claire qui permette de faire le lien entre les différents degrés de l’enseignement, et entre lycéens, étudiants et personnels :

  • Retrait de la loi Vidal et du plan Etudiant
  • Contre la fusion des universités, contre les COMUE
  • Maintien du bac national comme premier grade universitaire
  • Boycott des « fiches avenir » et imposer des avis « très favorables » aux conseils de classe en lycée
  • Créations massives de postes de titulaires de la maternelle à l’université
  • Contre l’autonomie des Universités, et pour une augmentation des budgets pérenne

 Nous proposons un plan d’action en nous appuyant sur les dates de mobilisation pour élargir le mouvement, le faire converger et développer l’auto-organisation :

  • Unifier le mouvement par les revendications communes
  • Unifier lycéens, étudiants, enseignants, personnels par des coordinations à tous les niveaux
  • Faire de chaque échéance un objectif pour amplifier le mouvement
  • Rassembler les grévistes dans des AG
  • Aller vers la grève reconductible.

 

L’AG toulousaine a appelé à une nouvelle date de mobilisation le 8 février, nous devons nous en servir comme tremplin après le 6 pour ancrer la mobilisation et la renforcer. Dès maintenant, nous avons en ligne de mire la date du 14 février (où Blanquer présentera sa reforme du lycée au conseil des ministres).

Dans les universités, cela passera nécessairement par la grève : nous devons mener la bataille dans les AG pour en convaincre le maximum d’étudiants. Sur les lycées, il faut pousser à la massification du mouvement. La CNE proposée le jeudi 8 février pose notamment des problèmes de représentativité nationale de l’auto-organisation. C’est pourquoi nous y défendrons une prochaine date de coordination nationale sur une date un week-end. Notre objectif reste de créer un cadre auto-organisé qui regroupe le plus largement possible.

Notre intervention en tant que parti peut être décisive : partout où les camarades sont en mesure de le faire, nous devons intervenir devant les lycées avec comme objectif de les faire débrayer. Les actions de blocage ne peuvent pas se substituer à l’extension de la grève. L’extension du mouvement passera par le développement de l’auto-organisation et de la coordination entre les sites mobilisés (AG, coordinations locales et nationales…) en vue de construire une grève généralisée jusqu’au retrait des projets de réformes.

Pour pouvoir développer une telle politique, il est nécessaire de renforcer nos liens. Nous devons davantage discuter pour être en capacité d’impulser les dates et les rythmes de mobilisation. Pour cela, nous devons nous ressaisir de nos instances coordonner nos instances, à commencer par le BSJ et la commission éducation nationale. Nous devons nous coordonner au-delà de nos différentes interventions syndicales, et faire en sorte que les camarades soient en capacité de développer une politique cohérente quelle que soit leur appartenance : UNEF, Solidaires Etudiants, UET, FSU (avec ses différentes tendances), CGT, SUD… Tout le parti doit se saisir du matériel produit par le secteur jeune pour intervenir sur les lycées et les universités.

L’importance de l’attaque du gouvernement justifie en elle-même que nous nous jetions pleinement dans la bataille, mais au-delà, au moment où d’autres secteurs comme la santé commencent aussi à frémir, il est certain que si la jeunesse entre en jeu, cela peut considérablement modifier la situation politique. 50 ans après mai 68, le meilleur moyen de commémorer cet anniversaire est d’œuvre à la construction de ce mouvement.

Le congrès invite le parti à se saisir de cette question qui dépasse de loin le simple enjeu sectoriel mais participe pleinement des bouleversements structurels que mène ce gouvernement au service du patronat et des classes dominantes.