Publié le Samedi 18 mars 2023 à 09h00.

Femmes migrantes, femmes debout

Dire aujourd’hui que 50 % des migrantEs sont des femmes est devenu presque une banalité mais cela ne signifie pas qu’elles sortent pour autant de l’invisibilité. Sauf quand elles se battent pour leurs droits, comme dans les hôtels Ibis entre 2019 et 2021.

Cette migration féminine, par sa présence massive, est partie intégrante de la résistance aux politiques migratoires violentes mises en place par tous les gouvernements de la forteresse Europe, avec la complicité de nombreux régimes réactionnaires du Sud. Ces derniers servent, moyennant finance, de gardes-chiourmes pour leurs propres populations.

« Migrantes : servantes de la mondialisation »

Les femmes des pays sous domination de l’impérialisme sont en première ligne de sa politique d’asservissement, de violence militaire, de pillage direct et indirect (via la dette avec les programmes d’ajustement structurel néolibéraux imposés par la Banque mondiale et le FMI). Poussées à l’émigration par les guerres, les désastres écologiques, la misère et l’endettement de leur famille, bien souvent à leur charge et aux besoins de laquelle elles tentent ainsi de subvenir, ces femmes transgressent à la fois le rôle qu’on leur assigne dans le pays de départ et celui que l’Union européenne voudrait leur imposer.

Pourtant, quand elles ont gagné leur droit à la circulation — au péril de leur vie et exploitées par des réseaux mafieux — et sont arrivées au bout de leur long et douloureux parcours d’exil, c’est pour grossir les rangs des chômeurEs et précaires (avec tous les dangers qui vont avec, y compris la prostitution contrainte) et, « au mieux », pour se faire surexploiter dans des emplois subalternes (dans les métiers du care ou le travail domestique). Ce que résume une formule de Michel Agier sur la place des femmes migrantes dans la division sexuelle et racisée du travail mondial : « Les migrantes sont devenues servantes de la mondialisation. »

Migrantes : victimes et combattantes

Pour arriver au bout de leur voyage, leur vécu et leur stratégie diffèrent de ceux des hommes migrants. Elles mettent en leur cœur d’autres questions, d’autres problématiques et, en particulier, la centralité du corps. Les corps de ces femmes sont marqués massivement par les abus sexuels et grossesses contraintes. Elles vivent souvent leurs corps à la fois comme un handicap qui les rend plus vulnérables mais aussi comme un outil de survie et de résistance.

Tout au long de leur parcours, ce n’est qu’un continuum de violences. Elles sont à la fois victimes et combattantes. La seule transgression des frontières politiques, raciales et sexuelles qu’elles doivent mener de front en fait déjà des résistantes au quotidien.

Pour une politique de l’accueil digne !

S’impose la nécessité d’un espace pour exprimer ce qu’elles ont subi et y être écoutées avec bienveillance : le viol, le rapport à la maternité (laisser ses enfants, garder ou pas des enfants du viol, prendre le risque d’accoucher dans un bateau qui part à la dérive), affronter la mort en permanence. S’impose aussi en urgence des dispositifs pour soigner les blessures physiques et morales afin de se reconstruire, de retrouver sa dignité et son droit à l’intimité. Pourtant, le gouvernement préfère embaucher plus de flics que d’ouvrir des centres de santé pour soigner toutes les séquelles de ces souffrances.

Avec ce titre de séjour pour les métiers en tension, le gouvernement Macron veut offrir aux patrons la main-d’œuvre des femmes migrantes — qui sont massivement employées dans ces métiers de l’hôtellerie et du «care ». Elles en seront les ­premières victimes.

« La honte doit changer de camp ! »

Victimes ou/et combattantes, elles résistent à leur façon quelle que soit leur situation. Comme l’exprimait la marche des femmes sans-papiers de 2020 :

« Nous, les femmes du monde entier, subissons les agressions patriarcales et sexistes sur quasi tous les continents et dans toutes les sociétés. Celles d’entre nous qui parcourons ce monde sans le droit de le faire, à cause du préjudice de notre naissance, du lieu, de notre genre ou de notre sexe, sommes parties pour un "monde meilleur" au risque de nos vies ! Survivantes de l’exil à la merci des violences que le parcours nous fait subir, nous sommes debout ! »