Depuis la dématérialisation des démarches administratives, en mars 2024, il est devenu d’abord difficile, puis impossible d’obtenir les rendez-vous indispensables pour les personnes sans papiers dans les préfectures. Les personnes se trouvent alors devant une autre frontière intérieure, la porte close de la forteresse préfecture.
Après avoir survécu aux mille souffrances de parcours inhumains, puis aux passages violents des frontières, les personnes migrantes obtiennent souvent un récépissé, le temps d’examiner leurs situations. À l’échéance de ce récépissé, il est alors impossible de renouveler celui-ci et/ou d’obtenir un titre de régularisation.
Massification de l’exclusion
Impossible aussi de renouveler un titre de séjour ! L’accès direct aux services de l’immigration étant maintenant interdit, les rendez-vous doivent être pris sur internet, dans des créneaux aléatoires et extrêmement étroits. Des milliers de personnes en situation régulière n’accèdent jamais ou perdent ainsi leurs droits, au travail, au logement, aux droits sociaux. Après Darmanin et sa loi, c’est bien la politique de Retailleau et en particulier cette consigne scandaleuse donnée aux préfets qui s’applique : « expulser plus, régulariser moins ». En fabriquant un sans-papier, ils fabriquent un hors-la-loi de la République, un délinquant, un expulsable. Retailleau se réjouit d’ailleurs que les OQTF aient augmenté de 23 % en octobre !
Le fait que chacun-chacune subisse la même situation, de rejet, de mépris permet parfois la lutte. Le sentiment de ras-le-bol et que « cela ne peut plus durer comme ça », la massification de rejets des demandes de papiers, le sentiment de colère des personnes solidaires poussent à se battre ensemble. À partir de ce qu’expriment les personnes concernées et des configurations militantes dans chaque département peuvent se construire un rapport de forces et une multitude d’actions.
Bouger sa préf !
La participation de collectifs déjà existants de personnes migrantes est essentielle. Syndicats de travailleurEs sans-papiers, collectifs de mineurEs non accompagnéEs ou de jeunes majeurs, associations et syndicats des livreurs à vélo, associations de femmes en lutte, collectifs d’écoles occupées, associations d’étudiantEs africainEs en lien fort avec les associations de solidarité, les syndicats et partis, permet une convergence, dans un premier temps, sur une seule revendication : des papiers !
Dans quelques départements, « Bouge ta préf » a permis de rassembler et d’élaborer une multitude d’actions qui cumuleront le 18 décembre, journée internationale des migrantEs. L’idée est de créer un « mouvement social » par une multiplication d’actions unitaires : rassemblements, création de mur de la honte, pétitions, témoignages, procès de préfet, marche aux flambeaux et musiques…
Le 18 décembre doit devenir une journée importante, s’inscrivant pleinement dans nos journées de revendications, telles que le 1er Mai ou le 8 mars !
Victorine Laforge