La méthanisation, c’est la production d’un biogaz issu de la fermentation des déchets, des effluents d’élevages, des résidus de culture. Sur le papier, la méthanisation est donc une « énergie verte » qui recycle des ressources existantes, offrant aux agriculteurs un revenu d’appoint en optimisant leurs déchets. Que demander de plus ?
En réalité, ce ne sont pas les agriculteurs mais bien les grosses entreprises énergétiques qui y gagnent. Pour faire du gaz, il faut des ingrédients qui dégagent beaucoup de méthane tels les tourteaux de colza, les déchets et pailles de céréales, le maïs et les déchets animaux. Ce n’est pas le cas des lisiers et fumiers de porcs et de bovins, en grande quantité sur les terres d’élevages intensifs.
Les déchets très méthanogènes sont donc plus rares... au point qu’un marché du déchet agricole a vu le jour ! Les agriculteurs paient de plus en plus cher des déchets d’abattoir, le maïs dont les prix augmentent à cause des sécheresses. Il devient difficile pour certains agriculteurs de payer ces matières ; ils doivent alors ouvrir leur capital à un énergéticien.
De plus, pour limiter au maximum les risques sanitaires, il est nécessaire de traiter les déchets animaux pendant une heure à 70 °C, procédé trop onéreux pour les agriculteurs, mais pas pour les industriels. Cela creuse le gouffre qui sépare une petite méthanisation à la ferme et celle à dimension industrielle, qui dégage le plus de valeur ajoutée.
Des risques sanitaires importants
La méthanisation présente des risques pour l’environnement et les vivants. En sortie de processus, les agents pathogènes, les résidus de médicaments, de métaux lourds, de pesticides se retrouvent épandus sur les terres agricoles, provoquant notamment une pollution à l’ammoniac. Les boues de station d’épuration, qui peuvent également être utilisées dans les méthaniseurs, contiennent des métaux lourds, des résidus médicamenteux, des perturbateurs endocriniens, de l’ibuprofène, des antidépresseurs et des antibiotiques !
Alors, les accidents arrivent. À Châteaulin, en 2020, plus de 400 m3 de digestat ont débordé d’une cuve du méthaniseur, et 400 000 litres de liquide toxique à forte concentration d’ammoniac se sont déversés dans le fleuve qui alimente en eau potable 49 communes du Finistère. On le voit, l’évaluation de l’impact s’impose, mais en attendant que les études soient menées, on continue d’épandre les digestats sur les terres agricoles sans en maîtriser les risques.
Gâchis alimentaire !
Du lait, des pommes de terre, du blé ou du maïs : autant de nourriture… qui ne nourrira personne. En effet, si la méthanisation se vante de recycler les effluents d’élevage (lisier, fumier…), elle préfère utiliser certaines cultures et certains produits alimentaires beaucoup plus méthanogènes.
Le risque de dérive est connu. Le Code de l’environnement limite à 15 % la proportion de végétaux issus des cultures principales parmi les intrants qu’on jette dans le méthaniseur. Cependant, la production de méthane nécessite un approvisionnement 24 heures sur 24. Pour tenir la cadence, les exploitants introduisent dans leur méthaniseur des cultures et lisiers issus de leurs terres ou d’autres fermes, ainsi que des co-produits de l’industrie agroalimentaire.
Des critiques se font entendre, y compris au ministère et au sein des organisations syndicales agricoles, à propos de « la crainte d’un détournement des sols agricoles de leur vocation alimentaire » et « les inquiétudes sur la concurrence d’usages des fourrages entre méthanisation et alimentation animale en période de sécheresse ». Les céréaliers, les plus à même de financer de gros méthaniseurs, pourraient revendiquer la levée du verrou des 15 %. La porte serait alors ouverte à une évolution du modèle français vers le modèle allemand, où les cultures dédiées occupent une place centrale, et qui est largement remis en question en Allemagne !