Le bonneteau est un jeu d’argent, un jeu de dupes de l’ordre de l’escroquerie proposé à la sauvette dans des lieux publics. Avec beaucoup de baratin et une certaine habileté, le bonneteur entourloupe le public et avec ses complices empoche le butin. C’est tout à fait la réforme de la CSG préparée par le gouvernement en marche…
Macron prétend augmenter le pouvoir d’achat des salariéEs en supprimant la part salariale des cotisations maladie (0,75 %) et chômage (2,40 %) des travailleurEs du privé, soit 3,15 points en tout. La Contribution sociale généralisée CSG (7,5 %) augmenterait de 1,7 % pour « compenser » cette perte. Le gain de pouvoir d’achat des salariéEs serait donc de 1,48 %1, un salariéE au Smic (1 480 euros brut mensuels) verrait son salaire augmenter de 21,9 euros par mois, un salariéE rémunéré 3 000 euros brut gagnerait 45 euros mensuels en plus.
En réalité, quelques miettes seront donc versées aux plus pauvres, et les salariéEs qui bénéficient de salaires les plus élevés ne bénéficieront pas de l’augmentation annoncée. En effet, les cotisations salariales sont limitées à un montant plafonné tandis que la CSG est prélevée sur l’ensemble du salaire. L’augmentation de la CSG pourra être supérieure à la baisse des cotisations, le salariéE sera parfois perdant. De plus, une partie de la CSG n’est pas déductible des impôts. Et pour l’ensemble des salariéEs, cette pseudo augmentation du pouvoir d’achat risque d’être un argument avancé par les employeurs du privé et du public pour refuser toute augmentation de salaire !
Qui paie la CSG ?
Comme tous les libéraux et la plupart des sociaux-démocrates, Macron explique que la CSG a un avantage sur la cotisation car elle n’est pas prélevée uniquement sur les salaires mais sur l’ensemble des revenus des personnes résidant en France (pension de retraite, d’invalidité, indemnités journalières maladie et maternité, allocations chômage, revenus fonciers et revenus des placements).
Les salariéEs (revenus d’activité) et les retraitéEs, malades, chômeurEs... (revenus de remplacements) versent 90 % du montant global de la CSG, alors que l’apport des revenus du patrimoine et de placements (revenus du capital) est d’un peu plus de 10 %. De plus, l’instauration envisagée par Macron d’un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus du capital mobilier (intérêts, dividendes, plus--values mobilières, etc.) favoriserait davantage les hauts revenus et pourraient réduire la contribution de ces revenus attribués à la CSG.
Les chômeurEs et les retraitéEs ne paient pas de cotisations sociales maladie et chômage, mais ceux qui ont un revenu mensuel supérieur à 1 200 euros contribuent à la CSG et subiront avec la hausse de son montant une perte de pouvoir d’achat de 1,85 %. Ainsi, « Il y a des perdants, ce sont les retraitéEs : 60 % des retraitéEs, ceux qui ont les revenus les plus confortables, vont subir la CSG alors qu’ils ne payent pas de cotisations sociales », a reconnu Jean Pisani-Ferry, un des auteurs du programme de Macron.
Les fonctionnaires et salariéEs du secteur public seraient aussi pénalisés : la suppression de la contribution de solidarité de 1 % (prélevée à partir d’un seuil fixé à 1 466,73 euros net depuis le 1er mars 2017) ne compensera pas l’augmentation du taux de CSG à 9,2 %.
En millions d’euros
Parts respectives
Les revenus d’activité
68 596
69,33 %
Les revenus de remplacement
19 446
19,65 %
Les revenus du capital
10 320
10,43 %
Les revenus des jeux
373
0,37 %
Les majorations et pénalités
193
0,19 %
Source : Commission des comptes de la Sécurité sociale (septembre 2016, prévisions pour 2017)
Se mobiliser contre cette attaque frontale du salaire et de la Sécu
Les gouvernements successifs de gauche et droite ont attaqué pas à pas la Sécu (baisse des prestations, basculement progressif de son mode de financement par la fiscalisation, démantèlement des organismes…). Macron veut frapper plus fort : c’est la logique même du système solidaire qu’il veut totalement remettre en cause.
La Sécu et l’Unedic sont financés par les cotisations sociales versées dans un pot commun. Ce budget est différent de celui de l’État. La fiscalisation du financement par la CSG transformerait la branche maladie de la Sécu et l’Unedic en organisme d’État, son budget serait ainsi intégré à celui de l’État qui pourrait puiser dedans pour divers besoins, notamment en cas de crise financière. Il pourrait aussi assécher le budget de la Sécu pour inciter à sa privatisation.
Ce n’est pas de la politique fiction, Macron a déjà annoncé que le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) serait transformé en exonération permanente de la part patronale des cotisations sociales. Il envisage aussi l’instauration d’un régime unique des retraites par points. Le montant des cotisations est défini à l’avance mais pas celui des pensions. La valeur montant du point peut varier chaque année selon les disponibilités financières !
Macron veut agir rapidement pour éviter d’être confronté à la mobilisation sociale. Les mesures concernant la Sécu seront probablement intégrées au Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) de 2018. Elles sont habituellement présentées au conseil des ministres début juillet et votées à l’automne. L’autorisation de légiférer par ordonnance devrait être votée le 20 septembre selon le calendrier gouvernemental actuel. Le PLFSS pourrait ainsi être aussi adopté par cette procédure à la va-vite. Il nous faut vite un plan de bataille de grande ampleur pour faire échec à Macron et à ses marcheurs godillots. L’enjeu ? Le code du travail et la Sécu, rien de moins !
S. Bernard
- 1. Les cotisations sont calculées sur 100 % du revenu brut alors que la CSG est assise sur 98,25 % du salaire. La hausse de 1,7 % de la CSG équivaut à 1,67 % du salaire brut.