Après le naufrage de l’hommage à Samuel Paty, dont les modalités ont été modifiées par le ministère à la dernière minute, suscitant une explosion de colère légitime chez les enseignantEs, c’est sur la question sanitaire que le ministère s’est illustré toute la semaine passée. De nouveau, de façon désastreuse.
S’il fallait trouver une image pour résumer cette semaine dans l’Éducation nationale, ce pourrait bien être celle du cluster apparu dans les bureaux du ministère, à cause d’un manque de respect du protocole sanitaire, manque dénoncé par les syndicats de l’administration centrale. C’est en effet le symbole parfait de la gestion catastrophique de l’épidémie par Blanquer : déni de la crise sanitaire, protocole inexistant et, pour finir, contaminations à la pelle.
Monsieur Touvabien
Pourtant, après « On est prêt », après « La rentrée qui s’est faite dans la joie », le ministre nous assurait encore la semaine dernière que « les contaminations sont maîtrisées » dans les établissements scolaires. Il continue à tenir un discours rassuriste, à l’opposé de ceux de Macron ou Véran… À croire qu’ils n’appartiennent pas au même gouvernement !
C’est que Blanquer le magicien invente ses propres chiffres. Il avance 3 528 cas confirmés d’élèves, là où Santé publique France parle de 25 000 pour les 0-19 ans, sur la même période. Cela lui permet de conclure à une stabilisation de l’épidémie dans le public scolaire, alors qu’elle est très nettement en augmentation. Alors, manipulation, erreur, mensonge ? Quelle que soit l’interprétation que l’on en fait, on ne peut que s’inquiéter de cette attitude totalement irresponsable face à une crise inédite dans l’histoire de l’Éducation nationale.
Heureusement, la mobilisation dans les lycées a permis de gagner sur quelques mesures qui pourraient ressembler, avec des imperfections, à un début de protocole sanitaire renforcé. Il s’agit notamment de généraliser l’accueil des élèves en demi-groupes, par alternance.
Bien sûr, cela ne va pas sans poser d’autres questions. Est-ce la porte ouverte à ce fameux enseignement « hybride » cher au ministre et à ses amis les lobbys de l’Edtech ? Quelle contrepartie face à la surcharge de travail engendrée pour les enseignantEs ? Et comment réorganiser à la dernière minute tous les groupes, tous les emplois du temps, dans tous les lycées, pour se plier à la nouvelle organisation ?
Des questions qui ne se posent même pas, pour l’instant, dans les écoles et les collèges, arbitrairement exclus du protocole renforcé. Seul le port du masque à partir de six ans, alors qu’on nous expliquait jusque-là que c’était inutile, et la limitation du brassage des élèves en collège (organisation des activités scolaires pour limiter les croisements entre élèves de groupes différents, impossible dans les conditions matérielles et humaines actuelles) sont censés répondre à l’urgence sanitaire. On comprend donc que l’inquiétude pour leur santé, celles de leurs élèves et celles de leurs proches, monte parmi ces enseignantEs.
Pourra-t-on encore éviter la fermeture des écoles ?
Enfin, le spectre qui hante toutes les têtes, c’est celui d’une nouvelle fermeture des établissements scolaires. Après celle de l’année (scolaire) dernière, dont on constate les dégâts à tous les niveaux du système scolaire, ce serait une catastrophe pédagogique. D’autant que le ministère est en train de faire la démonstration qu’il n’apprend rien de ses erreurs passées : alors que tout le monde avait dénoncé le manque de préparation du passage en distanciel, rien n’est fait, aujourd’hui, pour éviter le même chaos.
Est-il déjà trop tard, comme le pensent beaucoup ? Le déni de Blanquer nous a empêché de prendre de vraies mesures sanitaires, dès septembre, en prévision de la deuxième vague. Nos malades, nos morts, nos inquiétudes sur l’avenir de nos élèves sont le prix d’une politique sans lien avec la réalité, soumise uniquement au double dictat de l’ordre réactionnaire et de l’ordre libéral.
Sans doute devrons-nous nous habituer quelque temps à concilier l’école et la crise du Covid. S’il y a une leçon à retenir des deux dernières semaines, c’est que cela ne sera pas possible tant que Jean-Michel Blanquer restera ministre de l’Éducation nationale.