Le gouvernement Macron annonce depuis le début de son mandat une série de réformes dans l’éducation et surtout dans le secondaire. Dans ce cadre, il prépare un plan sans précédent contre le lycée professionnel. Cette réforme, peu de monde en parle, alors qu’elle concernera pourtant près de 38 % des jeunes scolarisés dans l’enseignement secondaire.
La grande partie de la réforme consiste en une suppression importante du nombre d’heures d’enseignement. Après avoir fait passer le bac pro de 3 à 4 ans en 2008, le gouvernement s’attelle à raboter encore plus la quantité d’enseignements dispensés dans les formations professionnelles. Pour rappel, ces quatre années de formation étaient bénéfiques pour les enseignantEs et surtout pour les lycéenEs, qui avaient pour la plupart et souvent à juste titre un rejet profond du système éducatif qui les avaient broyés au collège.
Diminution horaire… pour une formation au rabais
La diminution envisagée est très importante : près de 60 heures de moins en enseignement professionnel et surtout 276 heures dans les enseignements généraux comme le français, l’histoire-géographie ou les mathématiques. Autant d’heures supprimées qui seront retirées de la qualification des élèves, et surtout qui auront des conséquences sur le niveau des formations. Moins d’heures, c’est une diminution de la reconnaissance du bac pro, c’est aussi la volonté profonde de retirer les matières de réflexion pour les élèves et de les transformer en main-d’œuvre docile. L’objectif, selon certaines lettres de cadrage, sera, pour le français en terminale, de savoir lire et comprendre des consignes. Autant dire : savoir exécuter à la lettre les ordres du patron sans trop les remettre en cause. Le lycée professionnel a déjà, sous certains aspects, cet objectif de fournir une main-d’œuvre docile, mais le programme de français et d’histoire-géographie permet aujourd’hui d’étudier l’histoire de la classe ouvrière, des femmes, de l’immigration, du monde d’aujourd’hui… fournissant ainsi un regard critique aux élèves sur le monde dans lequel nous vivons. Avec la réforme, ce sera applique, tais-toi et ne réfléchis pas !
L’enseignement supérieur : il n’y a plus rien à voir
L’autre pendant de la réforme est celle de l’enseignement supérieur. Les gouvernements successifs ont beau se targuer de vouloir créer un bloc bac-3/ bac+3, la réforme, avec ces suppressions d’heures, va clairement précariser encore plus les lycéenEs professionnels dans leur capacité à poursuivre des études. Aujourd’hui, il est déjà difficile pour eux de trouver des BTS, des IUT… Avec les suppressions d’heures cela deviendra mission impossible. Bien entendu, le patronat a besoin que certains lycéenEs professionnels continuent plus loin que le bac. Il projette donc de forcer les choses avec des parcours différenciés en terminale. Certains prépareront le fait de continuer leurs études et d’autres auront le droit à une terminale « insertion professionnelle » : dans ce cas-là il ne servira à rien de tenter Parcoursup car les heures en moins et l’absence de l’option enseignement supérieur obligeront ces lycéenEs à rentrer sur le marché du travail avec le seul bac professionnel en poche. Autant dire : un avenir précaire et instable défini par les établissements eux-mêmes sans même avoir à utiliser Parcoursup.
L’apprentissage : ce mythe à la peau grisâtre
Dans les annonces on nous rabâche depuis des années les qualités incommensurables de l’apprentissage. Pourtant la réalité est très éloignée. Aujourd’hui, unE apprentiE sur cinq ne termine pas sa formation. Les lycées pro accueillent tout le monde, alors que l’apprentissage discrimine : il nécessite la signature d’un contrat de travail beaucoup plus difficile à obtenir. Quand on voit que beaucoup de lycéenEs ont du mal à trouver un stage, un contrat d’apprentissage avec un salaire à la clef équivaut à un parcours du combattant. Ainsi, on reproduit les discriminations sociales, les lycéenEs les plus favorisés réussissant à trouver des contrats d’apprentissage ; pour les autres, selon le gouvernement, ce sera la voie de garage.
Un plan global contre les enseignantEs !
Les lycéenEs sont au cœur des attaques, étant la future main-d’œuvre, mais les enseignantEs ne sont pas en reste. Cette réforme est annoncée dans le cadre des suppressions de postes voulues par le gouvernement et les conséquences sont claires : si l’on prend l’exemple de la seule filière gestion-administration, ce sont 1 000 départs à la retraite non-remplacés, 500 précaires menacés et 1 500 reconversions forcées. Si l’on y ajoute les heures supprimées dans toutes les filières, c’est bien un plan social d’ampleur dans le lycée professionnel qui est en préparation.
Une telle réforme n’a pas pour seule conséquence de supprimer des postes, elle change profondément le métier d’enseignantE en lycée professionnel. Ainsi, quand un prof de lettres-histoire peut voir sa classe 6 h 30 par semaine, une relation se noue entre lui et les élèves, la pédagogie permet de répondre aux attentes de lycéenEs parfois difficile. Maintenant on parle d’une heure par semaine pour le même niveau : soit potentiellement 18 classes au lieu de 3…