En 1905, le soviet devient une forme inédite de pouvoir ouvrier, combinant auto-organisation de masse, lutte politique et perspective insurrectionnelle.
Le premier véritable soviet se forme en mai 1905 à Ivanovo-Voznessensk, « la Manchester russe », avec l’élection de 110 délégués représentant 70 000 ouvrierEs. À Saint-Pétersbourg, le soviet se forme dans le feu de la grève générale d’octobre sous la forme d’un comité de grève. Progressivement, il devient un embryon de gouvernement ouvrier.
Un soviet de masse
Le soviet de Saint-Pétersbourg compte jusqu’à 562 délégués représentant plus de 200 000 ouvrierEs, soit la moitié du prolétariat de la ville. Il fait paraître un journal quotidien fabriqué dans des imprimeries réquisitionnées pour l’occasion : le numéro 7 des Izvestia est tiré à 35 000 exemplaires. Il organise des manifestations monstres pour porter les revendications ouvrières. Il crée une milice ouvrière de 6 000 hommes pour lutter contre les milices tsaristes des Cent-Noirs, ce qui évite probablement un pogrom. Sous la pression de la base, il décrète la journée de 8 heures, mais la bourgeoisie répond par le lock-out et licencie par dizaines de milliers, et le mouvement est un échec. Il appelle à une grève politique en solidarité avec les mutins de Kronstadt menacés de la peine capitale et avec les ouvrierEs sous le joug de la loi martiale en Pologne, et il menace d’une grève générale dans les chemins de fer suite à la condamnation à mort de cheminots pour « propagande révolutionnaire » : le tsarisme recule, c’est la dernière victoire de la révolution de 1905.
Un expérience pour 1917
Le soviet appelle à préparer l’insurrection armée. Il lance un « manifeste aux soldats », leur demandant de rejoindre la lutte des ouvrierEs pour la démocratie. Il essaie de se coordonner avec les soviets en région, notamment celui de Moscou, mais la jonction ne se fait pas. Le régime tsariste referme progressivement son carcan répressif et, début décembre, reprend le contrôle de la capitale, arrêtant la direction du soviet, dont son président Trotsky.
L’expérience des soviets acquiert un retentissement extraordinaire en Russie même et dans le mouvement ouvrier organisé en Europe. En février 1917, les soviets fleurissent spontanément et le soviet de Petrograd 1, dont Trotsky reprend la présidence, parvient, contrairement à 1905, à les fédérer à l’échelle du pays. « Tout le pouvoir aux soviets », proclamé par Lénine en avril 1917, se concrétise lors de la révolution d’Octobre, le Conseil des commissaires du peuple étant responsable devant le congrès des soviets.
- 1. Saint-Pétersbourg est rebaptisée Pétrograd de 1914 à 1924, puis Léningrad de 1924 à 1991.