La reconnaissance du génocide des Herero et des Nama par l’Allemagne a été un long processus et reste entachée d’une controverse sur la question des réparations.
Lors de son voyage en Namibie en 1995, le chancelier Helmut Kohl évite les représentants des Herero. Le Président fédéral Roman Herzog en 1998 évoque seulement un « sombre chapitre ». Quant à Joschka Fischer, ministre des Affaires étrangères, il déclare en octobre 2003 : « Nous sommes pleinement conscients de notre responsabilité historique, mais nous ne sommes pas les otages de l’histoire ». Il faudra attendra 2004 pour qu’enfin, par la voix de la ministre fédérale au Développement et à la Coopération économique, Heidemarie Wieczorek-Zeul, l’Allemagne reconnaisse le génocide tout en refusant une politique de réparation. Seuls 20 millions de dollars seront proposés pour les communautés victimes du génocide.
L’exigence de la réparation
Ce refus de réparation présenté en son temps par l’Allemagne comme un principe était peu convaincant. Elle-même avait créé un précédent en 1890 en exigeant une réparation d’un montant de 12 000 vaches aux Herero qui avaient lutté contre la colonisation. L’autre argument évoqué, celui de l’impossibilité d’apposer une qualification juridique datant de 1948 à des faits antérieurs, souffre d’incohérence avec la reconnaissance par le Bundestag du génocide arménien perpétré en 1915.
Le gouvernement namibien, dans sa volonté de conserver de bonnes relations avec l’Allemagne qui reste le premier bailleur du pays, était réticent à mener cette lutte. Renforcé par une inquiétude de voir les Herero et les Nama, bénéficiant d’un soutien financier, concurrencer le pouvoir détenu par les membres de la majorité ethnique du pays, les Ovambo.
La situation a progressivement changé avec les mobilisations des Herero et Nama qui n’ont eu de cesse d’interpeller les gouvernements allemand et namibien et de mener des actions en justice. À cela s’ajoute la mobilisation parlementaire de la gauche radicale. Répondant à une interpellation de Die Linke, le gouvernement commence à évoluer en estimant que la Convention de 1948 « peut servir de critère de référence à une évaluation non juridique d’un événement historique pour le qualifier de génocide ».
Ainsi les gouvernements allemand et namibien ont signé début juin un accord reconnaissant le génocide avec un versement s’étalant sur trente ans d’une somme 1 050 millions d’euros.
Récupérer les terres volées
Cet accord est critiqué car les peuples Herero et Nama n’ont pas été associés aux négociations, enfreignant ainsi la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Son article 18 stipule : « Les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions sur les questions qui affectent leurs droits, par l’intermédiaire de représentants choisis par eux-mêmes conformément à leurs propres procédures. »
Les communautés Damara et San, qui elles aussi ont subi les violences coloniales, ne sont pas mentionnées.
Cet accord tourne le dos à la principale revendication : la récupération des terres spoliées avec l’exigence d’un rachat par le gouvernement allemand des propriétés foncières détenues par la communauté germanophone. Une mesure permettant aux Herero et Nama de sortir de la pauvreté dans laquelle ils ont été plongés depuis un siècle.
Mais l’actualité percute aussi cet accord. Alors qu’Israël mène un génocide à Gaza, l’Allemagne est intervenue en tant que tierce partie pour soutenir le gouvernement génocidaire devant la Cour internationale de Justice. Comme l’indiquait l’ancien président namibien : « Le gouvernement allemand n’a pas encore pleinement expié le génocide qu’il a commis sur le sol namibien… L’Allemagne ne peut moralement exprimer son engagement envers la convention des Nations unies contre le génocide, y compris l’expiation du génocide en Namibie, tout en soutenant l’équivalent d’un holocauste et d’un génocide à Gaza. »