Je travaille chez un sous-traitant des compagnies aériennes (Easyjet, Air Algérie…) présent dans 6 aéroports français et qui s’occupe de l’assistance au sol. Une centaine de salariéEs, avec une moyenne d’âge autour de 30 ans, dans cette entreprise installée sur l’aéroport depuis un an et demi. Pour les nouveaux, la norme est l’intérim, puis le CDD, et, peut-être, le CDI-Saint-Graal en bout de course. Certaines boîtes de l’aéroport ont une plus grande concentration de jeunes : il faut une forme physique certaine (on peut faire une bonne dizaine de kilomètres par jour) et les horaires sont peu compatibles avec une vie familiale. Sans être aussi significatif que dans la restauration par exemple, il y a un réel turnover dans les métiers du sol. Il faut être un peu fou voire, surtout, passionné du métier et de l’ambiance dans l’aérien pour travailler quelquefois 40 heures par semaine, jusqu’à 2 heures du matin, avec relativement peu de perspectives d’évolution.
La moindre activité syndicale et ça part !Les autres boîtes de l’aéroport avec une moyenne d’âge plus élevée sont plus syndiquées, et avec de meilleures conditions. Néanmoins, les récentes élections CSE ont mis en avant des travailleurs de 24-25 ans non-syndiqués qui, depuis cet été, ont fait le boulot avec deux syndicalistes d’aller voir les collègues. Et la majorité a fait grève à deux reprises en octobre autour des grilles de salaires, des horaires, des dotations et de la paie du dimanche (seulement 25 %, un des taux les plus bas du secteur). Les directions d’entreprises jouent sur la division entre plusieurs boîtes faisant le même boulot (parfois même au sein du même groupe) pour niveler les conditions de travail vers le bas, en embauchant une main-d’œuvre assez jeune. Manque de pot pour la direction, on a réussi à s’organiser !
La formation sur le tasDans l’assistance aéroportuaire, chaque service a ses responsabilités en termes de sécurité et de sûreté… ou plutôt chaque collègue doit jongler avec le sous-effectif pour faire au mieux son boulot.Au service du trafic par exemple, il s’agit de calculer les masses pour répartir le poids dans l’avion et de coordonner, seuls, les actions entre toutes les personnes présentes sur le vol : nous sommes les responsables du vol avant le départ et à l’arrivée, les premiers et derniers maillons de la chaîne. Un boulot assez chouette en somme ! Si les collègues ont pour la plupart fait une école payante (au moins 2 000 euros pour un mois de formation), il arrive qu’on embauche une personne sans connaissances préalables, soit extérieure à l’aérien, soit qui vient d’un autre service – à condition de parler un minimum anglais, of course ! La formation ? En interne. Comprendre : « Sur le tas, parce que les gars qui sortent des écoles, ils sont pas forcément meilleurs sur le terrain ». Soit !
Le règne de la débrouilleAlors, on observe, on apprend, on se trompe, on trouve des solutions avec les collègues après le vol, on gère son stress et on repart. Le tutorat n’est plus trop à l’ordre du jour dans l’entreprise contemporaine, beaucoup plus rentable de gérer les erreurs des débutants que de les laisser observer les collègues pendant deux mois complets ! On a l’impression de passer pour stupide ? « C’est normal de ne pas tout savoir quand on débute ». Ah… Chez les jeunes, moins d’expériences de ce qu’est la « normalité » au travail, moins d’attente quant aux chefs, alors on normalise la débrouille ou « l’autonomie ». Et c’est d’ailleurs une des raisons de la colère actuelle chez les collègues : trop sous-payés par rapport à nos responsabilités !