Publié le Mercredi 27 septembre 2017 à 10h36.

« Droite hors les murs » ou droite dans le mur ?

La cinglante défaite de François Fillon à l’élection présidentielle provoque une crise dans la droite « traditionnelle », au sein de laquelle certains sont tentés de faire un pas supplémentaire vers l’extrême droite, à leurs risques et périls. 

La droite sort des élections en miettes, une partie de ses dirigeantEs ralliant Macron, un nombre d’adhérentEs en très net recul (officiellement 230 000 aujourd’hui contre 370 000 en 2007) et un électorat fuyant par tous les bouts : rural et populaire partis au FN, patrons et cadres sup convertis à Macron. 

Profond malaise à droite

Il ne reste plus guère que les retraitéEs aisés et les catholiques les plus durs pour voter encore LR. Laurent Wauquiez, en bon clone de Sarkozy, clame partout qu’il veut une « droite vraiment de droite », qui risque d’être surtout une droite vraiment étroite… Pour une bonne partie des éluEs et des électeurEs des Républicains, Macron et ses ministres ex-LR représentent une droite décontractée qui leur convient, diminue l’ISF et tape fort sur les salariéEs : Macron, what else ? Indice du malaise à droite : les dirigeants LR devenus ministres ne sont toujours pas exclus des Républicains. 

Du côté de la « droite de Dieu », la Manif pour tous et Sens commun sortent assez affaiblis des élections : leurs soutiens les plus fidèles à Droite (Hervé Mariton, Jean-Frédéric Poisson, Henri Guaino) ont tous perdu leur mandat de député. Soutien jusqu’au bout de François Fillon, Sens commun a joué le mauvais cheval et n’a eu aucun député : l’entrée en politique des cadres de la Manif pour tous s’avère plus difficile que prévue. Les cathos tradis à l’Assemblée se comptent désormais sur les doigts d’une main : Jacques Bompard, Emmanuelle Ménard, Julien Aubert et Philippe Gosselin. 

Dans l’état-major des Républicains, plus aucun dirigeant ne demande l’abrogation de la loi Taubira : même Laurent Wauquiez vient de retourner sa parka rouge dans une interview récemment publiée par Valeurs actuelles. On n’est jamais trahi que par les siens... 

Les « tradismatiques » peuvent toujours se consoler dans leurs clubs de réflexion (l’Avant-Garde, l’Institut de formation politique) ou leurs revues (Limite, l’Incorrect) tout en priant à genoux pour le retour de Marion Maréchal-Le Pen... 

Ne pas baisser la garde

Mais attention toutefois à ne pas trop baisser la garde : les réseaux cathos travaillent sur le temps long et ont beaucoup d’argent. Les débats sur la GPA ou la fin de vie les verront inévitablement ressortir des églises le crucifix à la main. Il reste encore Nicolas Dupont-Aignan, réélu de peu dans son fief de l’Essonne. L’alliance avec Marine Le Pen aura duré à peine dix jours avant de sombrer lamentablement (alors qu’un volet législatives était bien prévu dans l’accord entre les deux partis). Cet épisode aura fait perdre à Dupont-Aignan des centaines d’adhérents, ses deux vice-présidents et son premier adjoint à la mairie d’Yerres. Le nouveau projet de Dupont-­Aignan de réunir les « amoureux de la France » masque mal le fait qu’il est très seul : il a péniblement réuni 150 personnes pour son meeting de rentrée. Pas sûr que les déjeuners avec Philippot et les bons conseils payants de Patrick Buisson suffiront à réaliser ce beau rêve...

La seule « bonne » nouvelle à la droite de la droite est venue de l’élection comme députée de la très catholique Emmanuelle Ménard (plutôt tendance Opus dei que prêtre ouvrier). Le couple Ménard dirigeait déjà la ville de Béziers en s’appuyant notamment sur le vote pied-noir. Les Ménard veulent eux aussi rassembler la « Droite hors les murs » dans l’association « Oz ta droite » qui a été lancée en 2016 mais est déjà abandonnée faute de troupes. Pour tout ce petit monde, le premier test sérieux arrivera avec les élections européennes de 2019.

Le plus drôle pour la fin : le ralliement à Macron de figures de la droite dure comme l’ultra­libéral Alain Madelin (qui voit en Macron un nouveau Thatcher) ou encore Christian Estrosi qui prend la posture du « vieux sage » centriste. Pour quelqu’un qui a débuté en politique comme adjoint de Jacques Médecin, a entretenu d’excellentes relations avec le FN et a déposé en 1991 une proposition de loi pour rétablir la peine de mort, c’est un sacré virage sur l’aile gauche ! Décidément, la droite de la droite aussi, c’était mieux avant...